Stigmatisation

Chronique - Voltaire, Rabelais, Montaigne, Sartre et Camus ne sont plus lus par les nouvelles générations qui trouvent dans l’islam leur salut, leur culture et leur identité. Cet islam de l’angoisse, laquelle est propre à l’exil et à la peur d’être sans culture, s’est développé en même temps qu’un détournement de cette religion par des idéologies totalitaires nées des défaites du monde arabo-musulman notamment en Irak, Syrie, Lybie, etc.

Ce n’est pas nouveau. L’islam pose problème en France. Après un sondage qui n’est pas très favorable aux musulmans, le Sénat vient de proposer l’interdiction de porter le voile pour les filles de moins de 16 ans.

L’islam, surtout en période pré-électorale devient une obsession et un thème facile à manipuler pour les politiciens du genre Zemmour. Rappelons que la communauté musulmane représente 7% de la population française.

De quoi s’agit-il ?

Selon un sondage Ifop, effectué au mois de novembre, sur 14.000 personnes musulmanes, 57% des jeunes entre 15 et 24 ans donnent la priorité aux lois islamiques de la Charia par rapport aux lois de la République dont le principe de laïcité, existant en France depuis 1905.

Par ailleurs 42% éprouvent de la sympathie pour la mouvance islamiste.

D’après ce tableau, c’est un islam rigoriste qui se serait installé en France, dans les milieux de certains enfants d’immigrés et au-delà : refus de la mixité, port du voile pour les femmes, valorisation des radicaux, rejet de la laïcité, haine de l’Occident, etc.

Il y a de quoi éprouver le sentiment d’une stigmatisation.

L’époque est à la caricature.

Avant, l’islam n’était jamais évoqué dans les médias.

Les gens de ma génération étaient surtout séduits par la séparation de la religion et de l’État, par les lois d’une République basée sur l’État de droit et la reconnaissance de l’individu en tant qu’entité unique et singulière, par l’esprit de Voltaire et d’Anatole France, par la liberté fondamentale de cet esprit, par un progrès humaniste indéniable, par le courage d’Émile Zola et de Victor Hugo, par les poètes de la résistance durant le seconde guerre mondiale, Aragon, Éluard, Pierre Emmanuel, etc.

Nous étions des citoyens ouverts sur le monde, même si l’islam était notre référence religieuse discrète mais authentique. Le port du voile par des femmes n’existait pas. La première manifestation de ce phénomène a eu lieu en 1989 à Creil où deux jeunes élèves d’origine marocaine s’étaient présentées au lycée, un foulard cachant leurs cheveux. Scandale. Les médias couvrent l’incident. Et même feu le roi Hassan II avait dû intervenir pour éteindre un feu artificiel, lequel avait donné le signal d’une présence identitaire d’un islam politique, d’autant plus que la jeune révolution iranienne déclarait partout que «l’islam est politique ou il n’est pas».

Aujourd’hui, la France est en butte à une islamisation qui est, au fond, un rejet de l’Occident et de ses idées de liberté, un refus de l’individu non reconnu, et une pratique très rigoriste d’un islam souvent mal compris, pas assez étudié, devenu en quelques décennies le drapeau d’une culture qui n’avait pas trouvé sa place dans le paysage de la civilisation française.

Cela est traduit par l’agitateur Zemmour en un discours directement raciste où il hurle la fin du christianisme, remplacé par «l’islamisme terroriste» qui s’emparerait de la France. Pour lui, «toute femme voilée est une mosquée qui se déplace». Pas de nuance entre islam et son détournement.

«Faudra laver l’islam de ce qui le trahit et le met au service du radicalisme. Et pour cela, le concours des musulmans sera nécessaire.»

—  Tahar Ben Jelloun

Une inquiétude pointe de plus en plus dans les milieux politiques, et pas seulement dans les rangs du Rassemblement national. L’éditorialiste du Figaro, Yves Thréard, (dont une partie de la famille vit au Maroc), vient de dénoncer «un islam conquérant». Face à cela, il écrit: «La France doit se reprendre. Et vite».

D’autres observateurs nous disent que c’est trop tard. L’islamisme aurait infiltré tous les milieux. Ce sont des Français, certes minoritaires (enfants d’immigrés nés en France) qui portent cet islam partout où ils peuvent.

Comment on est-on arrivés à cette situation qui se propage également ailleurs qu’en France ?

L’immigré arrive en Europe pour travailler. Dans ses bagages: un peu d’islam, seul référent culturel qui le guide et l’identifie. Une culture pauvre, caricaturale. Mais ce ne sera pas l’immigré qui prônera la radicalisation, mais plutôt une partie des générations nées de cette immigration, laquelle est française, souvent en échec scolaire, mal aimée des institutions et qui, pour certaines, virent vers la délinquance. Tout le monde sait aujourd’hui que le narcotrafic est en partie entre les mains d’une minorité de jeunes issus de cette immigration malheureuse. Ce qui se passe à Marseille, où l’on tue les témoins et les militants anti-trafic, est alarmant. Pour certains, les responsables de cette tragédie sont des étrangers. C’est faux. Ce sont des Français dont certains sont d’origine étrangère.

Voltaire, Rabelais, Montaigne, Sartre et Camus ne sont plus lus par les nouvelles générations qui trouvent dans l’islam leur salut, leur culture et leur identité. Cet islam de l’angoisse, laquelle est propre à l’exil et à la peur d’être sans culture, s’est développé en même temps qu’un détournement de cette religion par des idéologies totalitaires nées des défaites du monde arabo-musulman notamment en Irak, Syrie, Lybie, etc.

La France, qui vient de commémorer les atroces tueries du Bataclan du 13 novembre 2015, (132 morts dont deux suicides après le massacre), découvre que l’islam dont se proclamaient les terroristes a, aujourd’hui encore, d’après le sondage Ifop, la sympathie de 42% des jeunes musulmans.

Telle est la démocratie française. La lutte contre le terrorisme ayant fait allégeance à Daech, n’est pas efficace. Heureusement que le Maroc aide ce pays à empêcher des cellules préparant des attentats.

Le bilan de cette enquête sur l’avancée de l’islamisme en France devrait pousser l’État à changer sa politique à l’égard et de l’islam et de ses dérives dangereuses. Il faut consolider la laïcité et la défendre. Quant aux dérives d’un islam haineux, il va falloir se mobiliser pour que cette religion devienne une religion comme les autres et qu’elle n’envahisse plus le champ public. Redonner à l’islam sa spiritualité, son humanisme, sa vocation de paix et de tolérance. Pour cela, beaucoup de travail est à prévoir. Faudra laver l’islam de ce qui le trahit et le met au service du radicalisme. Et pour cela, le concours des musulmans sera nécessaire.

Cette lutte ne pourrait réussir qu’avec l’aide des pays dont sont originaires ces islamistes qui tournent le dos à la France tout en profitant du système démocratique et de l’État de droit.

 

 

Tahar Ben Jelloun

 

Source : Le 360.ma (Maroc)

 

 

 

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