Agence de Presse Sénégalaise – Le ‘’yebbi’’, une pratique traditionnelle à travers laquelle les femmes sénégalaises cherchent à raffermir les liens avec leur belle-famille en couvrant ses membres de cadeaux à l’occasion de cérémonies familiales, semble s’éloigner de plus en plus de son esprit originel.
Le ‘’yebbi’’ s’est transformé en un exercice éprouvant pour les femmes, travesti par l’ostentation, la rivalité et la pression sociale, au fil des évolutions de la vie familiale et du couple.
Le ‘’yebbi’’ est devenu une obligation dans les cérémonies familiales sénégalaises, bien loin de ce qu’il représentait à ses débuts.
Selon Ndèye Dioum, une commerçante sexagénaire, il s’agissait d’un geste de courtoisie pour signifier toute sa gratitude à la belle-famille.
‘’Autrefois, lors des baptêmes, nos ancêtres offraient des détergents, du savon, du lait, du mil et une lame servant à raser la tête du nouveau-né dans une bassine, le tout accompagné d’une maigre somme à remettre à la belle-famille, sans que celle-ci ne s’en indigne’’, a-t-elle expliqué à l’APS.
Le ‘’yebbi’’ et le regard des hommes
Selon Mme Dioum, il n’était guère question de se surpasser ou de chercher à faire des folies seulement dans l’intention de s’imposer à sa belle-famille ou de se faire bien voir d’elle.
Elle constate que ‘’certaines femmes vont au-dessus de leurs moyens pour impressionner la belle-famille, espérant ne pas faire de leurs filles des parias’’.
‘’Si en tant que femmes nous décidons de nous soustraire à cette pratique, tout le tort sera déversé sur nos filles. Elles seront exposées à toutes sortes de dénigrement et de blâme qui risquent de poursuivre leur progéniture’’, a confié Marième Faye, debout, sac de légumes en main, sur une allée de la rue 6 de La Médina.
Elle reconnait pourtant qu’il s’agit d’une tradition malsaine, détournée de son but initial, qui sert présentement de baromètre à certaines belles-mères et belles-sœurs pour apprécier ou non les qualités d’une femme mariée.
‘’Une de mes belles-filles m’a déjà offert 10 boubous Getzner, autant de rouleaux de tissus brodés, des wax et des tissus. J’en ai également fait autant lorsque ma fille a donné naissance’’, a détaillé Rouba Sall, qui interprète cette pratique comme quelque chose de représentatif de la ‘’téranga’’ (l’hospitalité) sénégalaise. ‘’Il n’y a rien de négatif à cela’’, tranche-t-elle.
L’État invité à intervenir pour mettre fin à ce fléau qui ruine les familles
Mais pour une certaine classe à la bourse pas aussi consistante que cela, cette pratique de la vie conjugale est souvent source d’angoisse.
‘’Après l’accouchement de ma fille, j’ai reçu les contributions financières des membres de ma famille et des voisins, en plus d’avoir collecté la mise d’une tontine, pour en faire cadeau à la famille de mon gendre’’, explique Lobé Niang, une vendeuse de poisson à La Médina.
À son avis, l’État devrait éradiquer ce fléau qui ruine les familles et sème la discorde à leur sein.
Assis sur un long banc en bois, sous un margousier, Serigne Mor et ses amis ont des avis tranchés sur la question. Pour lui, ce sont des dépenses sans grande utilité dont les femmes pouvaient se passer.
‘’Les temps sont durs. En tant que parents, nous devons consacrer ces moyens financiers à l’éducation des enfants au lieu de débourser les économies de toute une vie pour de pareilles occasions’’, s’est-il indigné.
‘’Rien ne sert la vantardise. Surtout lorsqu’on cherche à dévoiler un certain prestige qui ne reflète pas la vraie réalité’’, dénonce Serigne Mor.
Son ami Thiam se veut nuancé. ‘’Si le ‘yebbi’ fait plaisir à celles qui le pratiquent, il n’y a pas lieu de s’y opposer […] Je n’y vois pas d’inconvénients’’, dit-il.
La génération Z, plus ou moins réticente à pérenniser cette tradition
Khady, âgée de 22 ans, étudiante en sociologie dans un institut privé dakarois, a un avis tranché sur le ‘’yebbi’’, qui est, à ses yeux, une double souffrance pour la femme qui, en plus de donner naissance dans la douleur, devra également chercher à satisfaire la famille de son mari.
‘’Les femmes sont comme suppliciées du fait de devoir s’accommoder de ce genre de tradition illogique. C’est l’homme qui devrait combler sa femme de cadeaux, parce qu’elle lui a donné un héritier ou une héritière’’, a-t-elle soutenu.
Source : Agence de Presse Sénégalaise (APS) – Le 13 novembre 205
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