Le Soleil – Ils tuent, brûlent, humilient et violentent les femmes à un rythme soutenu. Dans notre pays, certains hommes s’autorisent encore tous les excès au sein de l’espace domestique. Des actes odieux ont meurtri la conscience collective durant cette année 2025 qui s’achève. Si la société sénégalaise s’émeut généralement à l’annonce de ces drames, elle finit souvent par en minimiser la gravité. Les meurtres de femmes sont ainsi trop souvent réduits à de simples « drames passionnels » ou à des « disputes ayant dégénéré ».
À travers la campagne « Luy jot jotna » (il est temps d’agir en wolof), une centaine d’organisations de la société civile a décidé de frapper fort en cette fin d’année. Elles exigent une loi criminalisant les féminicides, une révision en profondeur du Code de la famille et le respect strict de la dignité humaine. Le cri de guerre de ce collectif, déterminé à défendre les droits des femmes, fera certainement trembler certains hommes. Beaucoup nourrissent la crainte de perdre des privilèges avec le toilettage du document régissant la famille sénégalaise. Ils redoutent une substitution dans la direction de la famille alors qu’il s’agit surtout de permettre au couple de remplir ses rôles respectifs dans la complémentarité et la solidarité. Cela pourrait passer par des notions comme la parenté conjointe ou l’autorité parentale, en remplacement de la puissance maritale ou paternelle. Pourtant, les projets de réforme portés par les voix féminines dorment encore dans les tiroirs. Une inaction parlementaire persistante est pointée du doigt.
Les mouvements de femmes dénoncent, dans ce sillage, une politique du « deux poids, deux mesures » à l’Assemblée nationale. Le constat est amer : les parlementaires légifèrent avec célérité lorsqu’il s’agit d’intérêts politiques, tandis que les réformes vitales pour les femmes sont bloquées ou jugées trop « complexes ».
En réalité, ceux qui restent sur leurs gardes face à cette révision sont légion. Ils redoutent l’impact d’une réforme où la puissance maritale n’aurait plus droit de cité au même titre que d’autres dispositions jugées discriminatoires. Pourtant, ces femmes ont raison de hausser le ton : trop d’hommes s’arrogent des libertés excessives en s’abritant derrière le titre de « chef de famille ». Les articles 152 et 277 du Code de la famille, qui consacrent la puissance maritale, attribuent l’essentiel des pouvoirs au père pendant le mariage et favorisent un rapport de domination au sein de nombreux foyers.
Pire encore, ils entravent la capacité des femmes à jouer un rôle déterminant dans l’entretien de la famille. Cette disposition crée une dépendance qui empêche souvent les victimes de quitter un conjoint violent avant que la situation ne devienne fatale. Tous les esprits épris de justice reconnaissent l’urgence de retoucher ce code promulgué en 1973, conçu à l’époque comme une symbiose entre le Code civil français, les réalités socioculturelles coutumières et les croyances religieuses. Déjà en 1983, après seulement 10 ans d’existence, le texte semblait nécessiter des ajustements. Si des correctifs ont été apportés entre-temps, le chantier reste immense. Pour les militantes, il est urgent de reconnaître juridiquement les féminicides et d’admettre qu’ils sont commis parce que les victimes sont des femmes.
Elles réclament des actions concrètes contre l’impunité, contre la tolérance sociale et institutionnelle. Mais, une méconnaissance du sens de leur combat incite à redéfinir les stratégies de lutte et à rappeler qu’il ne s’agit pas d’une lutte féministe, mais d’une nécessité d’adapter la loi aux réalités socioéconomiques actuelles et que la lutte contre les féminicides, par exemple, nécessite une transformation des rapports de force au sein du foyer. À travers une approche plurielle, elles rappellent que la société ne peut plus se contenter d’une émotion passagère face aux discriminations. La sécurité des acteurs politiques ne saurait être plus importante que celle des citoyennes.
Matel Bocoum
Source : Le Soleil (Sénégal)
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