The Conversation – Le cambriolage du Louvre, dimanche 19 octobre, met en lumière les difficultés rencontrées par le plus grand musée de France. À la suite d’une note alarmante de sa présidente évoquant de nombreuses « avaries » menaçant à la fois la sécurité des visiteurs et la préservation des œuvres, Emmanuel Macron avait annoncé, fin janvier 2025, une « nouvelle renaissance » du musée. Marie-Alix Molinié-Andlauer (Sorbonne Université) avait alors listé pour nous les grands enjeux de ce chantier.
Problèmes de sécurité, équipements techniques obsolètes, climatisation défaillante pour les œuvres, ascenseurs en panne pour les personnes à mobilité réduite… Le Louvre se délite à vue d’œil et pourtant ce musée continue à attirer toujours plus de monde (9 millions d’entrées en 2024).
Les chiffres de fréquentation témoignent d’une tension entre l’attractivité de ce musée et les contraintes structurelles liées au bâtiment – un ancien palais royal empêchant d’accueillir plus de visiteurs. La particularité de ce géosymbole est sa proximité avec le pouvoir, notamment le pouvoir présidentiel. Les grands travaux du Louvre sont impulsés en 1981 par le président Mitterrand ; en 2000, le président Chirac inaugure le pavillon des Sessions ; en 2012, c’est au tour du président Hollande d’inaugurer le nouveau département des arts de l’Islam. En 2017, Emmanuel Macron célèbre sa victoire devant la pyramide et, en 2025, il annonce la « nouvelle renaissance » du Louvre.
C’est toute la particularité du musée du Louvre qui, au-delà d’un patrimoine national, est un véritable symbole. Outre ces événements, le musée accueille régulièrement des visites d’État pour montrer une certaine image de la culture française. Pourtant, celle-ci n’est pas un bloc homogène. Elle se conjugue au pluriel et aujourd’hui elle se morcelle dans la société, mais également dans et au-delà des murs du plus grand musée de France.
Les ambitions contemporaines des président(e) s
Parmi les annonces d’Emmanuel Macron pour cette « nouvelle renaissance du Louvre », la première est le déplacement du tableau le plus emblématique du musée, la Joconde (symbole de la période Renaissance). Actuellement, elle est exposée dans la salle des États et est entourée d’une quarantaine d’œuvres, devenues invisibles tant cette voisine captive le public. L’idée serait de la déplacer sous la Cour carrée, pourtant située en zone inondable, à proximité de la nouvelle entrée du musée. Munis d’un billet spécial, les visiteurs pourraient alors la contempler dans un espace qui resituerait l’œuvre dans l’histoire de l’art. Une expérience 100 % Joconde serait donc proposée.
La deuxième annonce est celle d’une entrée au niveau de la colonnade, de Perrault, à l’est du musée. Cet espace, entouré par les « fossés Malraux » est peu accueillant et peu praticable en temps de pluie, accentuant la rupture avec la ville. Intégrer une nouvelle entrée à cet endroit permettrait de redéfinir et désengorger les circulations au sein du musée.
Déjà près de 110 000 abonnés aux newsletters The Conversation. Et vous ?
En revanche, le déplacement d’une telle entrée ne doit pas résulter d’un déplacement du problème d’un point A vers un point B. Il s’agit de réfléchir à comment mieux intégrer des entrées – ce qui en contexte Vigipirate relève de l’exploit – pour repenser la circulation dans sa globalité et une meilleure relation entre le Louvre et la ville. Car, outre les fossés qui sanctuarisent le musée au cœur de la ville, les différentes architectures urbaines – renaissance et néoclassique du musée et haussmanniennes pour les bâtiments voisins – accentuent cette rupture. Il y aurait une réflexion architecturale à mener pour redessiner cette partie du paysage urbain de Paris à l’aide d’un travail de « contraste retardé » qui favoriserait l’articulation entre les espaces.
Enfin vient l’idée d’un tarif plus élevé pour les visiteurs étrangers extra-européens. Cette augmentation comblerait en partie le manque à gagner pour enclencher toutes ces mesures. Emmanuel Macron a indiqué qu’elles ne coûteraient pas un centime aux contribuables. Pourtant, le coût des travaux serait estimé à plus de 700 millions d’euros, une somme vertigineuse quand on connaît le contexte économique actuel.
On peut notamment s’interroger sur la possibilité de mettre en place cette tarification spéciale sans porter atteinte à la protection des données personnelles. Y aura-t-il une obligation d’acheter son billet en ligne et d’y présenter son passeport ? Des files seront-elles créées, comme à l’aéroport, avec une ligne pour « Européens » et une autre pour le public « extra-européens » ? En ces temps troublés, l’idée d’une mesure stigmatisante des étrangers extra-européens ne devrait pas trouver écho au sein d’un lieu de culture et, qui plus est, au sein d’un lieu aussi emblématique que le musée du Louvre.
Docteure en Géographie politique, culturelle et historique, Sorbonne Université
Source : The Conversation
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com