Plus de 3 000 morts sur les routes migratoires vers l’Espagne en 2025

Info Migrants  – Cette année, 3 090 personnes ont perdu la vie sur les routes migratoires vers l’Espagne, selon l’ONG Caminando Fronteras. Un nombre de victimes moins élevé qu’en 2024, année record avec plus de 10 000 décès recensés. Cette baisse s’explique par les partenariats passés entre l’Espagne et les pays d’origine comme la Mauritanie pour intercepter les départs. Mais aussi par des changements de dynamiques : la route vers les Canaries est moins empruntée tandis que la route vers les Baléares est devenue plus dense et plus meurtrière en 2025.

Huit personnes par jour ont perdu la vie, cette année, sur les routes maritimes vers l’Espagne. Le dernier rapport annuel de l’ONG espagnole Caminando Fronteras décompte 3 090 exilés décédés du 1er janvier au 15 décembre 2025. Parmi les victimes recensées figurent 437 enfants, 192 femmes et 2 461 hommes. Les mois de janvier et février ont été particulièrement marquants puisqu’à eux seuls, ils comptent pour près de la moitié des décès de l’année (1 434).

Pour rappel, les chiffres de Caminando Fronteras se basent sur les témoignages recoupés des familles et des survivants, en plus des données officielles. Ils englobent les décès et les disparitions. Pas moins de 70 bateaux ont disparu des radars avec l’ensemble de leurs passagers, qui n’ont plus jamais donné de nouvelles à leurs proches.

« L’approche arbitraire des opérations de sauvetage a entraîné des retards et de l’inaction, laissant couler des bateaux qui étaient manifestement en danger et causant des décès qui auraient pu être évités », épingle Caminando Fronteras dans son rapport. Plus généralement, l’ONG estime que « la principale cause de mortalité est l’influence des politiques de contrôle des migrations sur le recours aux opérations de recherche et de sauvetage ».

En 2024, au moins 10 457 migrants sont morts ou ont disparu en tentant de rejoindre l’Espagne, selon Caminando Fronteras. Il s’agissait alors du nombre le plus élevé enregistré par l’ONG depuis le début du recensement en 2007.

Cette baisse du nombre de victimes entre 2024 et 2025 est à mettre en lien avec les données officielles qui font état d’une chute du nombre de traversées. Le ministère de l’Intérieur espagnol enregistre en effet une baisse de 40,4% du nombre de migrants entrés sur le territoire de façon irrégulière entre le 1er janvier et le 15 décembre par rapport à la même période l’an dernier, avec 35 935 arrivées au total (contre 60 311 en 2024).

Baisse des arrivées et des décès sur la route des Canaries

Ceci étant, cette baisse globale cache des dynamiques diverses en fonction des routes migratoires. Du côté de la route Atlantique, c’est-à-dire de l’Afrique occidentale vers l’archipel des Canaries, l’ONG dénombre 1 906 morts et disparus en 2025. La grande majorité étaient partis de Mauritanie.

L’an dernier, Caminando Fronteras décomptait 9 757 décédés ou disparus sur cette route (soit la quasi-totalité des décès en mer vers l’Espagne cette année-là). Cette baisse est à mettre en lien avec la chute des arrivées aux Canaries en 2025. Un peu plus de 17 500 personnes ont rejoint l’archipel depuis le 1er janvier, contre près de 47 000 en 2024, selon le ministère espagnol de l’Intérieur.

Cette chute des arrivées est attribuée par les autorités au renforcement de la surveillance des frontières au Sénégal et en Mauritanie, dans le cadre d’accords bilatéraux passés avec l’Espagne, et de partenariats migratoires avec l’Union européenne.

 

Conséquence de ces accords : les autorités mauritaniennes ont déclaré avoir intercepté plus de 30 000 migrants entre janvier et avril 2025. La zone de départ était stratégique puisqu’en 2024, parmi toutes les embarcations naufragées ou disparues recensées par Caminando Fronteras, 70% étaient parties de ce pays.

La route vers les Baléares deux fois plus meurtrière

Ces contrôles renforcés n’ont « toutefois pas entraîné le déplacement des migrants vers la route occidentale de la Méditerranée, car il s’agit de deux circuits migratoires complètement différents, dont les profils, les trajectoires et les dynamiques ne sont pas interchangeables et ne peuvent être interprétés comme se remplaçant l’un l’autre », souligne Caminando Fronteras.

L’ONG prévient toute conclusion hâtive car, à l’inverse des Canaries, la route vers l’archipel des Baléares en Méditerranée est de plus en plus empruntée. Selon les autorités, plus de 7 200 migrants ont atteint les Baléares entre janvier et décembre 2025. Soit une augmentation de 27 % par rapport à 2024.

Et cette hausse se traduit par un plus grand nombre de décès. Selon l’ONG, 1 037 personnes parties d’Algérie vers les Baléares ont perdu la vie cette année. Elles étaient moitié moins (517) en 2024.

Là encore, l’ONG met en avant les problématiques de sauvetage : parmi le « grand nombre de corps échoués sur les côtes des îles Baléares tout au long de l’année 2025, beaucoup s’étaient noyés peu avant d’être rejetés sur la plage. »

La voie algérienne devenue « principale route de transit »

« Des bateaux arrivaient quasiment tous les jours cet été. Il y avait aussi des cadavres, des disparus. Ce sont des situations anormales qu’on ne voyait pas l’année dernière », racontait en octobre à Infomigrants Carlos Martín Ciscar, porte-parole de la plateforme Acollim, un regroupement d’associations dans les îles Baléares.

La route algérienne vers les Baléares est ainsi devenue en 2025 « la principale route de transit vers l’Espagne », affirme l’ONG dans son rapport.

Les routes maritimes à destination des îles Baléares débutent plus à l’est de l’Algérie. Crédit : Caminando Fronteras

 

Cette route algérienne « est principalement empruntée par des ressortissants algériens, bien que des migrants syriens et palestiniens soient également fréquemment présents en plus petit nombre. En 2025, des migrants somaliens ont rejoint les ressortissants des pays d’Afrique de l’Ouest qui avaient commencé à emprunter cette route plusieurs années auparavant », précise-t-elle.

L’ONG confirme également l’émergence de nouvelles routes, comme celle de la Guinée, avec « un nombre croissant de départs depuis le port de Kamsar ». Son observatoire décompte 11 morts et disparus sur cette route en 2025.

Maïa Courtois 

Source : Info Migrants (France)

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