Migrations : les Egyptiens, première nationalité africaine à rejoindre l’Europe

Cette année, Frontex, l’agence européenne des frontières, a recensé un peu plus de 16 000 passages irréguliers de ressortissants égyptiens au 30 novembre, partant des côtes libyennes pour atteindre en majorité l’Italie, mais aussi la Grèce.

Le Monde  – Son choix valait tous « les sacrifices », même les plus difficiles. C’est ce que pense encore Ahmed, un Egyptien de 31 ans qui ne souhaite pas donner son nom. Il se souvient qu’à son arrivée en Libye, sa femme lui avait annoncé qu’elle était enceinte. Ahmed venait tout juste de quitter El-Mahalla El-Koubra, une cité industrielle au nord du Caire, pour un voyage sans visa vers l’Europe.

« Je ne pouvais pas retourner auprès d’elle, j’avais pris ma décision, raconte cet homme rasé de près, engoncé dans sa doudoune. Aujourd’hui, ma fille a 5 ans et je ne l’ai jamais vue. Je l’ai seulement entendue à l’autre bout du téléphone. Ça m’est insupportable. »

Ce 18 décembre au soir, Ahmed s’est assis sur un banc de la place Jean-Jaurès, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le temps d’admirer les décorations de Noël. A ses côtés, son neveu Ali, 23 ans, qui l’a accompagné dans ce long périple jusqu’en France. Ensemble, ils ont traversé pendant plusieurs jours la Méditerranée à bord d’une embarcation en direction de l’île italienne de Lampedusa pour « fuir une vie de misère », résument-ils.

Depuis cinq ans, les Egyptiens fuient par milliers leur pays par la mer, figurant parmi les populations les plus importantes sur les routes migratoires. En 2022, ils étaient la première nationalité d’origine des arrivants sur le Vieux Continent, avec 22 000 personnes enregistrées.

Difficultés économiques

Cette année, Frontex, l’agence européenne des frontières, a recensé un peu plus de 16 000 passages irréguliers de ressortissants égyptiens, partant des côtes libyennes pour atteindre – en majorité – l’Italie (8 715), mais aussi la Grèce (7 371) entre le 1er janvier et le 30 novembre. Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), près de 26 000 sont actuellement demandeurs d’asile en Italie, contre un peu moins de 3 000 en France.

Les Egyptiens constituent depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), le deuxième contingent de migrants clandestins à entrer dans l’Union européenne – derrière les Bangladais (près de 22 000) –, et le premier originaire d’Afrique. « Il y a une persistance de réseaux de passeurs bien organisés le long des routes migratoires libyennes, malgré le renforcement des contrôles égyptiens aux frontières et le démantèlement de réseaux le long de son littoral », observe Frontex.

« L’Egypte donne l’impression d’un Etat stable mais, en réalité, la situation y est extrêmement fragile », assure Amr Magdi, chercheur auprès de la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à Human Rights Watch, qui met en cause « la gestion autoritaire et corrompue » du pays dirigé par Abdel Fattah Al-Sissi, depuis 2014.

Selon l’ONG mais aussi l’OIM et Frontex, les difficultés économiques sont la principale raison des départs. Les migrations s’inscrivent également dans un contexte de répression politique, où la liberté d’expression et l’opposition sont étroitement surveillées.

« Risquer leur vie en Méditerranée »

Les finances du pays se sont considérablement dégradées depuis une dizaine d’années et ont fini par pousser les Egyptiens à « risquer leur vie en Méditerranée, seul espoir de mieux vivre pour beaucoup d’entre eux », regrette M. Magdi. Comme le 17 décembre où quatorze Egyptiens sont morts suite au naufrage de leur embarcation au large de la Crète.

« Les gens cherchent en Europe une vie digne, un revenu, la possibilité de fonder une famille et d’aider leurs proches, ajoute le chercheur. Il y a aussi un exode massif des cerveaux. Médecins, ingénieurs, informaticiens quittent le pays, mais de façon légale. »

Plus d’un tiers des Egyptiens – sur une population de plus de 100 millions d’habitants – vivent sous le seuil de pauvreté, d’après la Banque mondiale. Les prix du pain, du carburant, mais aussi des tickets de métro du Caire ont augmenté au fil des années. L’économie du pays a été durement touchée par la guerre en Ukraine et « par les répercussions régionales des conflits à Gaza et au Soudan », note Frontex.

Après des hausses vertigineuses, frôlant certaines années les 40 %, l’inflation a ralenti pour atteindre 12,3 % en novembre, a annoncé la Banque centrale égyptienne. Le FMI prévoit toutefois un rebond de la croissance de plus de 4 % en 2026, principalement tirée par les investissements dans les grands projets publics d’infrastructure.

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Source : Le Monde 

 

 

 

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