Mauritanie – UNE AUTRE APPROCHE VIABLE EST POSSIBLE POUR LE STATUT DE NOS LANGUES

A l’est, le Président de la République a tenu un discours d’une rare pertinence. Du moins pour ceux qui ont pu y accéder par une vertu de naissance : celle de la locution de la langue maternelle. Pour les autres, ce Discours n’a pas eu lieu sauf ceux qui, comme moi ont eu la chance (et non le droit) de se le faire traduire. Voilà l’un des aspects les plus sombres et brutaux de l’inégalité citoyenne institutionnalisée à laquelle notre pays fait face et qui donne du grain à moudre à ceux qui ramènent l’expérience quotidienne des négro-africains à un statut de citoyens de seconde zone, à l’apartheid même.

Du temps où le français régnait sans partage, et où les langues nationales étaient folkloriques, tout le monde (les cadres surtout) partageaient le même sort d’aliénation linguistique et culturelle mais avaient, au moins, fusse-ce négativement, le même bagage d’informations et le même ressenti vis à vis de l’Etat et de la société. Ils pouvaient donc les comprendre ensemble, les approuver ou les critiquer sans risque de double standard car le statut des langues était uniforme tant en ce qui concerne les langues maternelles des uns et des autres, reléguées de fait à un statut d’infériorité hérité du colonialisme -que pour ce qui est de la langue étrangère elle-même, c’est à dire le français. Il fallait changer cette distorsion linguistique historique et rétablir les langues nationales dans leur statut naturel, historique, en tant que langues d’une nation commune dans sa diversité ontologique.

L’Etat, sous la pression des luttes populaires, animées notamment sous le 1er régime de la Mauritanie indépendante par le mouvement national démocratique, s’engagera dans la voie des réformes culturelles ayant pour base la substitution de l’arabe langue majoritaire au français à travers son officialisation unique, à l’exclusion des autres langues nationales, Pular, Soninké et Wolof. Exactement suivant le modèle assimilationniste français adopté d’ailleurs par toutes les anciennes colonies en Afrique de l’ouest. Cette nouvelle réalité est au coeur de la crise scolaire endémique depuis les événements de 1966 et qui vont graduellement gangrener le système éducatif avant de s’attaquer à la quasi- totalité des systèmes et institutions d’intégration sociale jusqu’à l’ultime dérive du Passif humanitaire.

Ainsi naquit et se développa dans notre pays  » la Question Nationale » née d’une distorsion du statut des langues y compris dans ses dimensions les plus risquées pour l’unité nationale et la cohésion sociale. Il est temps de revoir la question au plus pr, de rétablir notre vivre ensemble sur une base réaliste et mutuellement acceptable, la communauté de près et non la séparation linguistique, par le renforcement de l’acquis historique de l’officialisation de l’arabe, le renforcement de son statut et sa réelle promotion ainsi que l’accès du Pular, du soninké et du wolof au statut de langues officielles. Cela est rentable, possible et nécessaire pour tourner la page des divisions stériles et dangereuses à terme. J’y reviendrai.

 

 

Gourmo Abdoul Lô

16 novembre 2025

 

 

 

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