Initiatives News – En Mauritanie, le débat sur la sécurité routière revient avec une inquiétude grandissante. Routes dégradées, accidents meurtriers, assurances inefficaces : le pays fait face à une crise structurelle où infrastructures vieillissantes, législation faible et gouvernance insuffisante alimentent un cycle dangereux qui coûte des centaines de vies chaque année.
Des routes nationales en état critique : la Route de l’Espoir en symbole
Longue de plusieurs centaines de kilomètres, la Route de l’Espoir, reliant Nouakchott aux régions du Hodh, est devenue l’un des axes les plus meurtriers du pays. Les usagers la surnomment désormais « Route de la Mort » tant les accidents y sont fréquents : chaussée fissurée, nids-de-poule profonds, absence de signalisation, surcharge des véhicules, fatigue des chauffeurs.
Et ce n’est pas un cas isolé.
- Nouakchott – Rosso : visibilité réduite, bitume effrité, trafic saturé.
- Aleg – Kaédi : chaussée effondrée et glissante.
- Nouakchott – Nouadhibou : désert hostile et secours tardifs.
Dans ce décor chaotique, les drames deviennent quasi quotidiens, plongeant des familles entières dans le deuil et la précarité.
Des assurances en croissance… mais qui n’indemnisent presque jamais
Sur le plan financier, le secteur de l’assurance affiche une croissance notable : plus de 1,29 milliard MRU de primes brutes en 2022. Le pays compte désormais 17 compagnies actives, avec l’assurance automobile obligatoire comme produit phare.
Mais dans la réalité, cette croissance ne se traduit pas par une meilleure protection des citoyens.
Les victimes d’accidents routiers rencontrent des obstacles répétés :
- procédures interminables,
- compagnies en difficulté financière,
- absence de réassurance locale,
- manque de régulation effective,
- polices d’assurance trop limitées,
- ignorance des droits par les assurés.
Résultat : la majorité des victimes ne sont jamais indemnisées.
L’absence d’une compagnie nationale de réassurance : un blocage majeur
La Mauritanie ne dispose pas de structure nationale de réassurance.
Conséquences :
- un marché dépendant de l’étranger,
- des procédures plus lentes et plus coûteuses,
- une faible capacité à gérer les sinistres graves,
- une protection quasi inexistante pour les victimes d’accidents mortels.
Cette faille structurelle fragilise tout le secteur assurantiel et limite son efficacité.
Silence institutionnel et détresse des familles
Le parcours des victimes ou de leurs proches est souvent le même :
dossiers qui traînent, multiples demandes de pièces, témoins introuvables, et finalement silence total.
Beaucoup finissent par renoncer.
Ceux qui obtiennent un dédommagement reçoivent souvent des sommes dérisoires, très loin de compenser les pertes subies.
Un cercle vicieux qui met en péril toute la société
La relation entre routes dégradées et sinistres explosifs est directe :
routes dangereuses → accidents fréquents → victimes nombreuses → assurances défaillantes → précarité sociale.
L’ensemble du système s’effondre, au détriment des citoyens.
Quelles solutions pour sortir de l’impasse ?
Des mesures concrètes et urgentes peuvent inverser la tendance :
- Créer une compagnie nationale de réassurance pour renforcer la couverture des risques.
- Réhabiliter en priorité les routes nationales, à commencer par la Route de l’Espoir.
- Renforcer la régulation du secteur assurantiel, avec des sanctions pour les compagnies non conformes.
- Adopter une stratégie nationale de sécurité routière incluant signalisation, contrôles, éducation et limitation de vitesse.
- Mettre en place un fonds public d’indemnisation pour les familles laissées sans soutien.
Conclusion : un impératif national
Alors que les primes augmentent et que les routes continuent de se détériorer, les victimes restent trop souvent sans justice ni assistance. Il ne s’agit plus seulement d’un problème technique ou administratif : c’est une question de dignité humaine, de responsabilité publique et de protection sociale.
Pour que les routes cessent d’être un tombeau ouvert, la Mauritanie doit agir, et agir maintenant.
Ousmane Hamed Doukouré
Source : Initiatives News – (Mauritanie)
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com
