Une société au cœur de la politique agricole
Créée par le décret n°2009-037 du 28 janvier 2009, la Société Nationale d’Aménagement Agricole et des Travaux (SNAAT) est une entreprise publique à capitaux entièrement étatiques (590,33 millions MRU). Placée sous la tutelle du ministère de l’Agriculture, elle a pour mission principale la mise en œuvre de la politique nationale d’aménagement agricole et de sécurité alimentaire.
Ses missions couvrent :
• la construction et la réhabilitation de barrages et digues,
• les travaux de désenclavement,
• la mise en place de pare-feux,
• et l’aménagement agricole des zones rurales.
Son effectif total atteint 272 employés, dont 91 permanents et 181 temporaires. La société est régie par un contrat-programme 2019-2021, prolongé jusqu’en 2023, fixant des objectifs financiers et techniques destinés à améliorer sa structuration et son efficacité opérationnelle .
Des défaillances structurelles et procédurales
La Cour des comptes a relevé plusieurs anomalies dans la gestion administrative et financière de la SNAAT :
• Insuffisance de documentation pour la réception des travaux ;
• Lacunes dans les procédures de location d’engins et d’équipements ;
• Non-respect des tarifs fixés par le contrat-programme ;
• Non-conformité avec le Code général des impôts ;
• Signature de contrats avec des fournisseurs sans numéro d’identification fiscale (NIF) ;
• Non-enregistrement de certains contrats, en violation de l’article 295 du Code des impôts.
Des marchés exécutés sans rigueur ni transparence. La Cour a recensé un volume total de marchés exécutés s’élevant à :
• 22,94 millions MRU en 2022,
• 62,34 millions MRU en 2023.
Principaux marchés 2022-2023 :
Travaux agricoles divers , 20 824 650 MRU
Travaux agricoles divers. : 2 119 000 MRU
Travaux de barrages et digues : 62 340 000 MRU
Or, la société n’a pas organisé les réceptions officielles des travaux comme l’exigent les conventions signées avec le ministère de l’Agriculture. Le Directeur général a justifié cette pratique par la validation des documents par les équipes de contrôle, ce que la Cour rejette : « l’approbation documentaire ne peut se substituer à un procès-verbal de réception » .
Sous-traitance : retards et avances douteuses
Deux marchés de sous-traitance ont été conclus le 13 décembre 2022 avec la société HAWA TP pour la construction de quatre barrages en six mois.
Mais au 31 décembre 2023, un seul chantier affichait 70 % d’avancement, tandis que l’autre n’avait pas démarré, malgré une avance de démarrage de 3,97 millions MRU versée dès décembre 2022 .
Autres irrégularités financières
• La SNAAT n’a pas réclamé les intérêts moratoires prévus par son contrat-programme.
• Elle n’a pas retenu les pénalités de retard sur les marchés exécutés.
• Certains marchés ont été attribués à des fournisseurs non homologués par la CIAIS (Commission interministérielle d’approbation).
• Des marchés ont été fractionnés pour contourner les seuils légaux du Code des marchés publics.
Exemples cités par la Cour :
• Achats de canalisations métalliques le même jour auprès du même fournisseur (COGEREP) pour 1,5 million MRU chacun ;
• Commandes parallèles de matériel de génie civil à ETS MMH et STCTPS, totalisant plus de 2,7 millions MRU ;
• Travaux de nivellement du barrage Heikel attribués à Loulaf pour 2,13 millions MRU dans un marché découpé artificiellement .
Une gestion de parc et de location irrationnelle
La Cour dénonce un dépassement de la durée maximale de renouvellement de contrats de location et l’absence de limite fixée pour d’autres. Elle relève aussi un manque de rationalisation dans la location des engins lourds et des véhicules, sans justification économique ni plan d’utilisation cohérent.
Souleymane Hountou Djigo
Journaliste, blogueur
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