Initiatives News – La région du Guidimaka située à plus de 600 km de la capitale Nouakchott est longtemps restée le parent pauvre des politiques de développement.
Cette situation persiste malgré le lancement de plusieurs projets de développement par le gouvernement.
En soutien à ces efforts les partenaires Onusiens de la Mauritanie apportent un appui crucial très apprécié des populations vivant dans la précarité et souvent sans un accès approprié aux services sociaux de base.
La caravane de presse commanditée par les agences de l’ONU en Mauritanie et qui vient de sillonner certaines localités de la région a permis de braquer les projecteurs sur les dures réalités de la vie quotidienne mais aussi sur la résilience et l’esprit d’initiative des populations.
Aux alentours du village de Djougountro situé à une quarantaine de kms de la ville de Sélibabi, des dizaines d’ha sont récemment parties en fumée.
Dans la commune de Tachott un autre feu s’était déclaré coïncidant avec le passage de la mission pilotée par le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA )dans cette localité.
Comme à l’accoutumée dans cette région pluvieuse les feux de brousse font des ravages chaque année et ce malgré les campagnes régulières du gouvernement pour ériger des pare-feu.
Les populations aussi agissent contre ces feux de brousse à travers les Comités villageois mis en place sous la supervision de l’Organisation Internationale des Migrations (OIM).
Dans cette région, les questions de santé et d’accès aux services sociaux de base demeurent au cœur des préoccupations des populations. La région bat le record national du taux de mortalité maternelle.
Des initiatives novatrices appuyées par des partenaires au développement comme l’UNFPA, le HCDH et l’OIM permettent d’apporter des solutions à ces problématiques cruciales et de soulager les résidents.
Le Comité villageois de Diougontro, modèle participatif de solidarité et de développement
Situé à une quarantaine de kilomètres de la capitale régionale Sélibabi, le village de Djougountro occupe une position stratégique.
Le village est situé sur le fleuve Sénégal face à la localité sénégalaise de Aroundou mais aussi sur la frontière avec la République du Mali, face au village de Guithiebé situé de l’autre côté du fleuve, au bord de la Falémé, un affluent du fleuve Sénégal qui prend sa source dans la partie nord du Fouta-Djalon en Guinée.
A l’instar de toutes les localités du Guidimaka le village de Djougountro capitale de la commune du même nom peuplée de près de 10.000 habitants fait face à de grands défis de développement.
Ici, les villageois sont organisés au sein d’une structure novatrice qui s’occupe de régler certains problèmes, avec les moyens du bord qui sont du reste assez dérisoires.
Seulement ce comité villageois où sont représentées toutes les franges de la population locale s’évertue à jouer son rôle.
En effet, les comités villageois sont des structures communautaires créées pour renforcer la gouvernance locale et la cohésion sociale. Ils assurent la gestion des conflits, la coordination avec les autorités locales et la mobilisation communautaire autour des enjeux prioritaires (sécurité, accès aux services de sociaux de bases, résilience climatique).
Depuis 2013, grâce à l’appui du Fonds de consolidation de la paix des Nations Unies, des États-Unis d’Amérique, de l’Union Européenne et du gouvernement du Japon, l’OIM, en coordination avec le Ministère de l’Intérieur, la Promotion de la Décentralisation et du Développement local a appuyé la création et la redynamisation de plus de 200 comités villageois dans les régions du Hodh Ech Chargui, Hodh El Gharbi, Assaba, Brakna, Trarza, Gorgol et Guidimakha avec des résultats importants dans la prévention et la gestion des conflits, la veille communautaire, et la gestion des crises de catastrophes. Leur extension à toutes les wilayas transfrontalières est cours sous le lead du gouvernement mauritanien.
A Diougountro la mise en place du Comité villageois a finalement abouti le 19 juin 2019, après moult tergiversations, affirme son président, Mr Sy Ousmane, par ailleurs maire adjoint de la commune. Il comprend 13 membres dont 7 femmes.
Ce comité mis en place et géré avec l’appui de l’OIM est aujourd’hui le cœur battant du village. C’est à lui que les villageois se réfèrent pour régler tout type de problèmes. Entre autres, les conflits entre éleveurs et agriculteurs. Selon le président du comité : « Notre village se trouve dans une zone sensible, à l’intersection de 2 frontières, celles du Sénégal et du Mali. Nous contribuons à la lutte contre le trafic de drogue. Nous collaborons avec les Douanes et la Gendarmerie. Sur 12 km, le long du fleuve, nous surveillons la transhumance entre le Sénégal et la Mauritanie. Avec le Mali le passage des animaux est pour le moment interdit. A l’occasion de cette transhumance nous recensons le nombre de bêtes et de bergers ayant passé la frontière. Nous faisons de la sensibilisation à propos de tous les problèmes qui concernent la vie de la communauté. »
Et Mr Sy d’ajouter : « Il y a d’autres problèmes comme les vols transfrontaliers de bétail et les feux de brousse. Nous intervenons aussi dans les domaines de la santé et de l’éducation. Pour la santé nous procédons chaque trimestre à des évaluations et à l’expression des besoins. Au niveau de l’éducation nous travaillons avec le collège du village où nous sommes intervenus dernièrement pour construire des latrines, même si cela ne relève pas normalement de nos compétences. »
Le président du Comité villageois de Diougountro évoque aussi : « Les problèmes d’accès à l’état civil. Dans le village beaucoup de personnes adultes ne sont pas enrôlés et cela bloque leurs enfants qui eux aussi ne peuvent pas s’enrôler. »
Quoiqu’il en soit, le Comité du village de Diougountro qui est cité parmi les plus dynamiques de la région déploie beaucoup d’efforts pour aider les habitants à plusieurs niveaux.
Pour Mokhtar Traoré, Président du Comité de santé au sein de cette structure : « Nous jouons un rôle important. Nous sommes des facilitateurs entre la population et le personnel de santé. Le centre de santé est situé à 3 kms du village et il manque d’équipements et de médicaments. Pour faire une échographie, les femmes sont obligées d’aller à Sélibabi, au Sénégal ou au Mali. Elles peuvent aussi aller à Khabou sur une route très difficile. Et elles doivent payer beaucoup d’argent.
Récemment une femme enceinte est décédée ici faute de pouvoir être évacuée car il n’y avait pas d’ambulance et les véhicules de transport avaient toutes déjà quittés le village. Dans tout le département de Khabou, il n’y a qu’une seule ambulance. »
Selon Rouguy Alassane Ba, membre du Comité de village : « Les femmes participent aux débats et à la prise de décision au sein du comité. Nous gérons notre coopérative et notre boutique avec le soutien du comité. »
Mohamed Lô, responsable du sous-bureau de l’OIM à Sélibaby affirme que « Le comité du village est une instance communautaire qui contribue à la sécurisation de la zone et à la gestion des catastrophes. »
Il a ajouté que ces comités ont pour missions la gestion des conflits et la promotion de la cohésion sociale ; l’alerte précoce et la réponse aux crises ; faciliter la surveillance frontalière ; la Sensibilisation et l’éducation des populations sur la sécurité, la santé publique et la gestion des ressources naturelles ; la collecte d’informations locales sur les mouvements de personnes, les activités inhabituelles et les cas suspects, et les transmettent aux autorités administratives et locales et la surveillance des services publics de base.
Selon les statistiques de l’OIM, Au Guidimaka il y a aujourd’hui plus de 40 comités de village, actifs dans 40 localités.
En 2023, 16 comités ont géré 101 conflits locaux, en résolvant 82, soit un taux de résolution de 81,2 %. En 2024, le taux de résolution a grimpé à 98 %, avec 95 conflits sur 97 résolus par médiation. La grande majorité de ces conflits étaient liés à des tensions basées sur les ressources, telles que les frontières terrestres et l’utilisation des ressources naturelles.
« Les Mouslihines », un réseau engagé pour la cohésion sociale
Afin de faciliter l’accès à la justice, renforcer l’information juridique et offrir des mécanismes de règlement pacifique des conflits, le Bureau du Haut-Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme en Mauritanie a contribué à la mise en place au Guidimaka d’un réseau de « Mouslihines » (médiateurs).
Le réseau des Mouslih est composé de Parajuristes communautaires, Leaders locaux reconnus et de Guides religieux, sélectionnés pour leur intégrité, leur légitimité sociale et leur capacité à promouvoir la médiation et la cohésion sociale.
Bakari Gueye
Source : Initiatives News (Mauritanie)
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