Les « familles des victimes de 89–90–91 » ont affirmé qu’elles ne réclament que leurs droits les plus essentiels : le droit à la vérité, le droit à la justice, le droit à l’enterrement et le droit au deuil. Elles ont souligné que l’État les prive de ces droits et refuse, depuis des décennies, de mener les enquêtes nécessaires, de poursuivre les responsables, d’assurer les voies de recours et de protéger la dignité humaine.
Le « Collectif des Veuves et l’Alliance des Orphelins des victimes civiles et militaires en Mauritanie » – dans un communiqué distribué lors d’une conférence de presse tenue ce soir, et que la police a empêchée de se poursuivre – a déclaré qu’ils se sont adressés aujourd’hui à l’opinion publique « avec la dignité, la douleur et la détermination de ceux qui savent que la justice n’est pas un choix, mais un devoir », et ce après trente-cinq ans des exécutions d’Inal, de l’assassinat de plus de 520 militaires mauritaniens à la peau noire dans des camps de torture disséminés à travers le pays, et après des décennies de mensonges, de déni et de lois injustes.
Le collectif a affirmé que son engagement demeure ferme, solide et impossible à faire taire, ajoutant que la nuit du 27 au 28 novembre 1990 n’est pas terminée pour eux, mais se poursuit « chaque jour tant que les dépouilles de nos maris, frères et pères n’ont pas été rendues, que la vérité n’a pas été révélée, que la justice n’a pas été rendue, et que ceux qui ont donné les ordres et commis les crimes continuent d’être protégés par l’État et honorés dans ses institutions ». Le collectif a accusé la police de maltraiter les personnes arrêtées depuis vendredi soir, à la suite d’un sit-in réclamant la vérité, en les plaçant dans des endroits étroits, insalubres et proches des toilettes. Il a présenté une liste de 13 personnes toujours détenues dans différentes commissariats, précisant qu’il y a parmi elles un mineur (né en 2009), des malades et des blessés n’ayant reçu aucun soin.
Le collectif a souligné que la manifestation pacifique, la revendication de justice et de vérité, la commémoration des victimes et l’exigence de mettre fin à l’impunité ne constituent en aucun cas des crimes, tout comme la défense de la justice ne saurait jamais être un crime. Il a exigé la libération immédiate et inconditionnelle de toutes les personnes détenues. Dans le communiqué lu par Amina Lou, membre de son bureau exécutif, le collectif a fermement rejeté toute démarche dépourvue de vérité, de justice, de réparation et de garanties de non-répétition, ajoutant qu’« aucune visite, aucun cérémonial ni aucune mise en scène préfabriquée ne peut remplacer un règlement global respectant les normes internationales de la justice transitionnelle ».
Le collectif a déclaré qu’il n’acceptera jamais que la mémoire de leurs martyrs soit utilisée « comme prétexte à une normalisation politique fondée sur l’oubli », ajoutant que leur engagement n’est pas négociable et que leur parole n’est pas à vendre. Il a affirmé que leur engagement n’est pas seulement un acte de fidélité envers leurs morts, « mais un acte de résistance contre l’effacement et le mensonge. Tant que les tombes ne sont pas découvertes, que la loi d’amnistie de 1993 reste en vigueur, que les lieux de torture ne sont pas identifiés, que les auteurs bénéficient d’une protection institutionnelle, et que nos enfants sont arrêtés pour avoir réclamé justice, nous resterons debout, unies, déterminées, sans peur et sans recul, et nous poursuivrons le combat jusqu’à ce que la vérité, la justice et la mémoire triomphent dans cette patrie qui est la nôtre aussi. »
Le collectif estime que le refus de l’État mauritanien de régler ce dossier humanitaire constitue non seulement une injustice nationale, mais aussi une violation claire de ses engagements internationaux, ajoutant que la persistance de la Mauritanie à ignorer la vérité et à protéger les responsables de ces crimes constitue une violation du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, ainsi que de la Convention internationale contre la torture. Il a souligné que tous ces instruments imposent le devoir d’enquêter, de poursuivre les responsables, d’assurer les recours et de protéger la dignité humaine. Le collectif a rappelé que l’Union africaine a déclaré l’année 2025 « Année de la justice et de la réparation », tandis que la Mauritanie — qui la présidait en 2024 — continue d’ignorer ses victimes et de nier son histoire, estimant que cette contradiction révèle un fossé profond entre les discours officiels et la réalité vécue par les Mauritaniens à la peau noire, en particulier les familles des disparus et des exécutés.
Ba Mamadou Ousmane
(Bruxelles, correspondance)
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