, il est finalement apparu lundi soir dans une allocution de vingt minutes diffusée avec trois heures trente de retard, à 22 h 35 (heure de Madagascar), sur les réseaux sociaux depuis un « lieu sûr » mais non identifié pour démentir les rumeurs de sa cavale qui alimente, depuis dimanche, toutes les spéculations. Des vidéos amateurs ont notamment montré l’arrivée d’un hélicoptère à Sainte-Marie, une île située sur la côte orientale de Madagascar, suivie du décollage d’un avion militaire français vers La Réunion.
– En dépit des apparences, le président malgache, Andry Rajoelina, conspué depuis le 25 septembre par la jeunesse qui réclame son départ, n’est pas en fuite. Alors qu’il était invisible depuis jeudi 9 octobreSur l’écran, il n’y avait pas le décorum habituel du palais de Iavoloha. Sanglé dans un costume gris et filmé en plan serré avec pour seul décor un papier peint à motifs géométriques et le drapeau de Madagascar, le président n’a pas annoncé sa démission comme son silence de plusieurs jours et son départ de la Grande Ile laissaient espérer les manifestants.
« J’ai pris des mesures pour protéger ma vie et éviter un bain de sang entre Malgaches. Je suis actuellement en mission à l’étranger. Un complot visant à attenter à ma vie a été fomenté par certains groupes [et] préparé avant le 25 septembre [date du début des manifestations à Antananarivo] », a-t-il affirmé sans plus de détails. Andry Rajoelina a renouvelé son appel au dialogue envers ceux qui bravent son autorité et a une nouvelle fois brandi les risques pour le pays d’une sortie de crise non conforme à la Constitution, en énumérant la liste des projets qui pourraient perdre leurs financements.
Très attendue, l’allocution était initialement annoncée pour 19 heures sur les chaînes nationales de radio et de télévision, mais a dû être reportée à deux reprises avant d’être finalement diffusée sur la page Facebook de la présidence pour contourner l’opposition de l’armée, qui, depuis samedi 11 octobre, est sortie de ses casernes en soutien au mouvement de contestation porté par la génération Z (Gen Z) pour exiger des conditions de vie décentes. En fin d’après-midi, des soldats du corps d’armée des personnels et des services administratifs et techniques (Capsat), les premiers à avoir appelé samedi à la désobéissance, avaient occupé l’enceinte des médias publics et sont restés inflexibles malgré les tentatives de négociation des proches d’Andry Rajoelina.
Envolé vers Dubaï
Selon les informations du site spécialisé Madagascar Aviation et de Radio France internationale (RFI), dimanche, le président contesté a été exfiltré de Madagascar au terme d’un accord avec Emmanuel Macron. Un avion CASA CN-235 de l’armée française, stationné à La Réunion, a embarqué Andry Rajoelina sur l’île Sainte-Marie dimanche après-midi avant de le ramener à l’aéroport du département français, situé à quelque 800 kilomètres à l’est de Madagascar, a pu confirmer Le Monde. De là, Andry Rajoelina se serait envolé dans la nuit à bord d’un Embraer Legacy 650E vers Dubaï, où il possède plusieurs biens immobiliers. Madagascar Aviation précise qu’il s’agirait d’un jet appartenant à la compagnie Vistajet, qui venait de faire escale à l’île Maurice.
De façon presque synchrone avec l’allocution d’Andry Rajoelina, Emmanuel Macron, interrogé sur le tarmac de l’aéroport de Charm El-Cheikh, en Egypte, où il participait au sommet sur l’accord de paix à Gaza, a refusé de confirmer l’implication de la France. « Je ne confirme rien aujourd’hui », a-t-il déclaré. En épousant le discours de son homologue, il a implicitement pris son parti contre les manifestants qui réclament un accès minimum à l’eau, à l’électricité et le respect de leur liberté d’expression. « Il est très important que l’ordre constitutionnel soit préservé à Madagascar parce qu’il y va de la stabilité du pays et des intérêts de la population. (…) On regarde la jeunesse de ces pays avec beaucoup d’admiration, d’affection. On a une jeunesse qui s’est exprimée, qui est politisée, qui veut vivre mieux (…), il ne faut simplement pas qu’elle soit récupérée par des factions militaires ou des ingérences étrangères », a-t-il poursuivi.
Emmanuel Macron fait certainement allusion à une possible ingérence russe au vu des quelques drapeaux blanc, bleu, rouge qui ont flotté dans les manifestations. Mais, pour les Malgaches descendus dans la rue, c’est bien plus une nouvelle démonstration de l’ingérence de la France dans son ex-colonie qu’illustre l’opération d’évacuation d’Andry Rajoelina. La publication le même jour d’un décret de grâce présidentielle pour huit détenus est interprétée comme une contrepartie visible, à défaut de savoir ce qui s’est précisément noué entre le Palais de Iavoloha et celui de l’Elysée.
Parmi les prisonniers figurent, en effet, le Franco-Malgache Paul Maillot Rafanoharana et le Français Philippe François, deux anciens officiers incarcérés depuis août 2021 et condamnés à l’issue d’un procès bâclé à, respectivement, vingt ans et dix ans d’emprisonnement pour tentative présumée de coup d’Etat. Seul Philippe François avait bénéficié d’une mesure de transfèrement en France en juin 2023.
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com