Lutte contre l’esclavage: L’administration des années 60 plus engagée ?

(Crédit photo : anonyme)

L’esclavage dans les années de l’indépendance doit se présenter aux générations postérieures comme arborant l’un de ses plus hideux visages, puisque un demi siècle après, on est presque toujours au même point de départ, à quelques exceptions prés.Mais, ce qui intrigue plus c’est que l’administration de l’époque semble être plus engagée à lutter contre ces viles pratiques que celle de nos jours.

Quel paradoxe ?
Dans ce qu’on présente comme un courrier « confidentiel » adressé en mai 1966 par l’ancien ministre de l’intérieur, auteur des circulaires du 16 mai 1966 et du 5 décembre 1969 relatives à l’esclavage in rapport SOS-Esclaves du 15 au 24 avril 1997 Mohamed Lemine Ould Hamoni au délégué du Gouvernement à Port-Etienne, l’expéditeur fait par de son étonnement quotidien de la survivance de pratiques esclavagistes incompatibles avec la Constitution et les lois de la Mauritanie. Ces notes écrites il plus de 50 ans, suscitent l’admiration, surtout si l’on continue la lecture du document dont l’auteur décrit ces cas d’asservissement en disant « tantôt il s’agit d’un maître qui s’empare des biens de son serviteur sous prétexte que celui-ci, étant lui-même objet de propriété, ne pourrait rien posséder en propre ( parfois) d’un serviteur dont les maîtres empêchent le mariage, si leur consentement n’a pas été obtenu au préalable, soulignant que des cas comme la reprise d’un maître de son autorité sur des serviteurs fugitifs, invoquant contre eux de prétendues créances, et les astreignant pour ce motif à se mettre de nouveau à son service ou de conventions passées entre deux ou plusieurs personnes en vue d’attribuer à l’une ou à l’autre la propriété totale ou partielle d’un serviteur, d’une servante, ou de leurs enfants, sont parfois constatées. Hamoni estime dans sa lettre mémorable que ces faits sont inadmissibles et que le rôle de gardien de l’ordre public lui impose à intervenir pour empêcher et les réprimer les enlèvements d’enfants, les ventes de serviteurs et la traite des esclaves, se réjouissant légèrement de la baisse de ce genre de pratiques. Hamoni joint à son courrier un rappel de la Constitution du 20 mai 1961 et ses principaux textes qui garantissent la liberté et l’égalité de tous les être humains sur le territoire de la République. « De toute évidence cette disposition qui supprime définitivement toute discrimination raciale, religieuse ou sociale s’impose non seulement dans l’application de la loi moderne, mais aussi dans l’application de la loi musulmane, qui est une partie intégrante du droit mauritanien et ne peut être dissociée des autres parties ». Evoquant le code du travail (Loi n° 63. 023 du 25 janvier 1963), il précise qu’il interdit formellement le travail forcé, ainsi que toutes pratiques contraires à la liberté de l’embauche, en particulier dans les dispositions suivantes. Et d’ajouter : « je n’ignore pas que certains Mauritaniens prétendent cette législation contraire aux préceptes du coran, qui, selon eux, justifie la pratique de l’esclavage. A ces attardés, vous voudrez bien faire observer que leur interprétation du livre sacré est erronée : l’esclavage a été autorisé en vue de faciliter la soumission des infidèles et leur conversion à la religion musulmane ; n’aurait-il pas dû prendre fin aussi tôt que ces buts ont été atteints ? Et a-t-il encore une raison d’être dans un pays où la population est entièrement islamisée ? D’ailleurs tous les Etats musulmans, y compris l’Arabie Séoudine qui l’a longtemps admis, interdisent maintenant l’esclavage ». Hamoni invite dans sa lettre le garde des sceaux de la justice et de l’intérieur ainsi que le délégué du gouvernement « à n’épargner aucun effort afin de faire disparaître les abus encore trop nombreux aujourd’hui », précisant qu’il est conscient que les problèmes sociaux de ce type ne se résolvent pas en un seul jour par la volonté d’un seul homme, soulignant qu’en prêchant la conciliation, dans le respect des intérêts de chacun, ces autorités suggèrent l’établissement progressif de nouveaux rapports sociaux. « Les relations traditionnelles entre maîtres et serviteurs ne peuvent être supprimées d’un seul coup, mais au lieu d’être fondées sur la crainte elles doivent reposer désormais sur le consentement et l’avantage réciproques des intéressés, et évoluer vers une certaine forme de travail salarié » indique-t-il. Et d’ajouter : « vous ne devez certes pas inciter les serviteurs à quitter leurs anciens maîtres et abandonner l’agriculture ou l’élevage pour grossir le nombre des chômeurs dans les agglomérations urbaines, mais vous devez encourager toutes les formes nouvelles d’association entre maîtres et serviteurs, et favoriser, par exemple, des accords équitables entre propriétaires de terrains cultivables et exploitants sur la répartition de la récolte, ou entre propriétaires de bétail et bergers sur le partage du croît du troupeau ». Hamoni indiquait dans son courrier qu’une révolution brutale des rapports sociaux conduirait probablement « à la ruine de toute notre économie traditionnelle une évolution progressive, en valorisant le travail des couches les plus laborieuses rétablira l’égalité entre nos citoyens et favorisera le développement économique ». Sur le plan pratique, il demande aux autorités d’intervenir chaque fois que les droits individuels paraîtront menacés, de saisir la justice pénale de toute atteinte à la liberté, de tout acte de brutalité et d’expliquer à la population, et surtout aux anciens maîtres, la nécessité d’abandonner toutes pratiques contraires à la liberté et à l’égalité. Cette relecture de la lettre de Hamoni, écrite il y a un demi siècle présente la meilleure thérapie qui fait actuellement défaut à nos autorités pour prendre à bras le corps le mal de l’esclavage. Si ses mises en garde avaient été prises en considération, la Mauritanie ne serait peut être au stade du grand de cohésion de ses composantes, qui n’arrivent pas encore à immuniser la société de cette tare perçue comme une bombe à retardement.

Md Ould Md Lemine

Source  :  Le Rénovateur le 03/04/2012

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