Deutsche Welle – Amnesty critique l’Etat du Sénégal pour ses défaillances dans la lutte contre les abus sur des élèves d’écoles coraniques et leur exploitation financière. Reportage à Dakar sur la situation des enfants talibés.
Babacar a 16 ans. Il prépare son Certificat de fins d’études élémentaires.
« Je suis venu avec mes amis. Nos maîtres et nos maîtresses nous apprennent à dessiner. Ils nous enseignent beaucoup de choses sur la lecture et l’anglais. »
Ce jeune talibé va à l’école à ses heures de mendicité, sur autorisation de son maître coranique. Il apprend à lire et à écrire le français au centre d’accueil de l’ONG Janghi, une association qui œuvre pour l’accès à l’éducation des enfants défavorisés notamment des enfants talibés.
« Ils vont à l’école pendant les heures où normalement ils auraient dû aller mendier », explique Codou Mar Mbow, membre et ancienne présidente de Janghi. « En échange de cette mendicité, étant donné que les enfants ne vont pas ramener l’argent aux daaras (ndlr :école coranique), on a fait un forfait de denrées alimentaires qu’on leur offre », poursuit-elle.
Christine Chamoun, comme les autres bénévoles de Janghi collecte souvent des fonds pour soutenir les daaras. Nous l’avons rencontrée à Fann, à « Vide grenier » une journée sociale exceptionnelle de vente et de troc de jouets et d’objets usagés.
« Tout ce qui est vendu, ici, aujourd’hui, les CDs, les habits, les bijoux, les chaussures, c’est pour lever des fonds pour la scolarisation des enfants. C’est du volontariat. On fait tous partie de cette communauté. On est tous là ; juste pour aider », confie-t-elle.
Le président de Janghi, Sheikh Jallow fut un ancien enfant talibé. Il témoigne :
« Aujourd’hui, on voit des daaras qui sont devenus un peu plus modernes, où les enfants ont où dormir puisque nous dormions à même le sol. Aujourd’hui, on voit des enfants qui vivent dans les daaras, qui ont des gens qui leur viennent en aide. L’hygiène s’est améliorée. Les daaras sont nettoyés. Les gens leur offrent des habits. La violence a un peu diminué. Et l’Etat contrôle mieux les daaras. Mon parcours est différent. Je n’ai pas vécu toute ma vie dans un daara parce qu’à un moment donné, j’ai décidé de partir pour aller vivre de façon indépendante. J’ai été ramassé dans la rue par un couple qui m’a hébergé, qui m’a nourri, qui m’a scolarisé jusqu’à ce que je devienne ce que je suis aujourd’hui. »
L’Etat sénégalais invité à plus d’implication
Dans son tout nouveau rapport, Amnesty International appelle à un engagement politique plus fort des autorités. La situation des talibés est une des problématiques des droits humains les plus importantes et récurrentes au Sénégal, a déclaré Ousmane Diallo, chercheur sur le Sénégal et le Sahel au bureau régional d’Amnesty International à Dakar.
Robert Adé
Source : Deutsche Welle (Allemagne)
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com