L’Equipe – Et si Samuel Eto’o symbolisait à lui seul les relations entre le Cameroun et la Côte d’Ivoire ? Marié à Georgette, une Ivoirienne, et acteur majeur de matches entre les deux sélections, l’ancien attaquant résume parfaitement les liens entre ces peuples, cette rivalité entre beaux-frères. Lui-même n’avait pas échappé à la polémique dans son pays en ratant son penalty contre les Éléphants, en Égypte, en 2006, lors de la CAN (1-1, 12 t.a.b. à 11), comme s’il avait aidé la nation de son épouse.
Mais Eto’o était bien présent le jour de la victoire à Abidjan en 2005 (3-2) dans le cadre des éliminations à la Coupe du Monde. Une soirée maudite pour les Ivoiriens, qui croyaient avoir tiré un trait définitif sur leurs ambitions mondiales. Gervinho, ancien attaquant des Éléphants, confirme : « Entre nous, c’est un peu spécial. C’est le match que tu ne dois pas perdre, cette défaite est restée longtemps dans la gorge. On ne pouvait pas imaginer qu’ils nous battraient à domicile. Chaque joueur veut jouer un match contre le Cameroun, et si tu marques, on se souvient de toi. »

Didier Drogba au duel avec Rigobert Song lors du match Côte d’Ivoire-Cameroun de 2005 à Abidjan. (B. Papon/L’Équipe)
Achille Webo reste un héros à vie pour avoir planté ce soir-là un triplé qui a « fait dormir les Ivoiriens à 19h », une expression entrée aujourd’hui dans le langage populaire. « En plus, on est amis, je jouais avec Salomon Kalou, avec Gervinho, ce sont deux pays frères, mais c’est une sorte de suprématie francophone, une rivalité intense quand même », insiste l’ancien Lion Aurélien Chedjou.
Un match à enjeu
Ce dimanche soir à Marrakech, il sera question d’un peu plus que d’une victoire qui donnera la première place du groupe F au vainqueur. « C’est la belle famille. Il y a une très grande rivalité, on se ressemble énormément, on a de la gueule, on râle, on a de la force, du talent. Tenez, ma soeur est mariée à un Ivoirien, rigole Sébastien Bassong, l’indomptable. Mais ça se chambre dur… »
Au Cameroun, lors de la CAN, en 2022, la rivalité avait pris des proportions inattendues à cause des réseaux sociaux. Accusant les influenceurs ivoiriens d’avoir dénigré le Cameroun, sur la fiabilité des tests Covid organisés sur place notamment, le public de Douala avait pris fait et cause pour l’Égypte lors de son huitième de finale remporté contre les Éléphants (0-0, 5 t.a.b. à 4), certains locaux apprenant même l’hymne des Pharaons !
« Ça devient géopolitique, c’est une histoire de territoire alors que nous sommes en Afrique centrale et eux en Afrique de l’Ouest. C’est une question d’ego » – Aurélien Bassong, ancien défenseur central camerounais
Pendant des mois, des individus s’étaient affrontés, parfois violemment, sur le net, mais cela n’avait pas eu de conséquence en Côte d’Ivoire, en 2024. « Quand on est arrivés avec des journalistes africains, nous étions une délégation de Camerounais et le responsable des douanes nous a vus : « Ah, c’est la belle famille » ! On a eu droit à une file spéciale pour passer plus vite. Dans les restaurants, on nous servait même plus », se marre Didier Lefa, photographe des Lions présent au Maroc.
Et beaucoup de Camerounais délaissent aujourd’hui le continent – le surnom de leur terre, comme s’il s’agissait d’une Afrique miniature – et se rendent en Côte d’Ivoire pour travailler. « Il y a aussi une rivalité musicale et dans d’autres domaines, alors on s’aime ou on se déteste, et c’est réel, glisse Bassong. Ça fait que ce match, ça devient géopolitique, c’est une histoire de territoire alors que nous sommes en Afrique centrale et eux en Afrique de l’Ouest. C’est une question d’ego. »
Hervé Penot
Source : L’Equipe – (France)
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