Jordanie – Égypte : Quand la chaîne Al-Jazira allume le feu

Orientxxi.info  La couverture ambiguë faite par la chaîne qatarie Al-Jazira de la rencontre, le 11 février 2025, entre le roi Abdallah II de Jordanie et le président étatsunien Donald Trump, a provoqué de nombreuses réactions de colère dans le royaume hachémite et une montée de tensions avec une partie de l’opinion publique égyptienne, révélant la permanence de vieilles rancœurs passées.

Si le contexte de la guerre génocidaire à Gaza a creusé un fossé entre les populations des pays arabes et les gouvernements occidentaux, il a également réactivé des rancœurs passées entre pays arabes. La couverture pour le moins maladroite par Al-Jazira de la rencontre entre le roi Abdallah II de Jordanie et le président étatsunien Donald Trump l’a bien montré. Moins de dix jours après son investiture pour un second mandat, ce dernier a présenté son projet de nettoyage ethnique par la déportation des habitants de Gaza vers l’Égypte et la Jordanie. Les ministres des affaires étrangères de l’Égypte, de la Jordanie, des Émirats arabes unis, de l’Arabie saoudite, du Qatar, un représentant de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) et le secrétaire général de la Ligue arabe y ont réagi dans un communiqué en date du 1er février 2025. Ils y refusaient catégoriquement « l’idée de déporter les Palestiniens de leur terre sous quelque circonstance que ce soit. »

Le Caire et Amman étant concernés en première ligne, une coordination égypto-jordanienne s’est traduite par la visite du prince héritier jordanien Hussein chez le président égyptien Abdelfattah Al-Sissi, le 16 février 2025. Le communiqué du palais royal jordanien qui s’en est suivi a souligné la nécessité de reconstruire la bande de Gaza « sans déporter le peuple palestinien frère ».

Suite au communiqué conjoint du 1er février, la Maison Blanche a invité le roi jordanien ainsi que le président égyptien à Washington. Si le palais royal a répondu présent, l’Égypte a fini par refuser l’invitation après la rencontre du président étatsunien et du roi Abdallah II, le 11 février.

Des « alertes » décontextualisées

 

Durant la rencontre avec le président étatsunien, en présence de la presse, le souverain jordanien a exprimé sa confiance en la capacité de Trump d’« instaurer la paix au Proche-Orient ». Cependant, il a évité de répondre aux attentes des États-Unis concernant l’accueil d’une partie des Palestiniens déportés. Lorsque Trump a fini par poser lui-même la question au roi, celui-ci a rappelé que toute décision s’appuiera sur un plan arabe commun avec l’Égypte et l’Arabie saoudite.

La chaîne qatarie Al-Jazira n’a pas retransmis cette rencontre en direct, mais en a rendu compte au fur et à mesure, à travers des bandeaux signalant les titres urgents. Voici la liste des alertes dans l’ordre où elles ont été diffusées :

Trump : « Ce qui sera proposé sera extraordinaire pour les Palestiniens. Je connais bien le domaine immobilier et je pense que les Palestiniens apprécieront ce qu’on leur proposera. »

Le roi de Jordanie : « Nous discuterons en Arabie saoudite comment travailler avec les États-Unis sur Gaza. Il y aura des réactions internationales. »

Le roi de Jordanie : « Ce que nous pouvons faire immédiatement, c’est accueillir 2 000 enfants malades de Gaza. Nous attendons que l’Égypte présente de son côté un plan. »

Le roi de Jordanie concernant l’accueil de Palestiniens : « Il faut prendre en compte la manière de faire cela de sorte à servir les intérêts de tous. »

Le roi de Jordanie concernant la disponibilité d’une terre où les Palestiniens pourraient s’installer : « Je dois faire ce qui est dans l’intérêt de mon pays. »

 

Sorties de leur contexte, ces citations, émanant de dépêches de l’agence Reuters, ont donné l’impression que le roi Abdallah II acceptait le plan de Trump, et qu’il comptait accueillir les Palestiniens en Jordanie.

Or, à aucun moment, le roi n’a émis le moindre consentement quant à ce plan. Il a seulement déclaré que tout ce que son pays pouvait faire dans l’immédiat, c’était d’accueillir 2 000 enfants gazaouis atteints de cancer ou dont l’état de santé était particulièrement dégradé. Une initiative que le président étatsunien a qualifiée de « belle » en affirmant qu’il venait d’en apprendre l’existence. Ensuite, Abdallah II n’a pas parlé de la troisième minute de la conférence de presse à la huitième minute. Il n’a repris la parole que lorsqu’un journaliste lui a demandé son avis sur le souhait des États-Unis de contrôler Gaza. Évitant de répondre directement à la question, il a plutôt réaffirmé qu’il fallait attendre que l’Égypte présente son plan et ne pas précipiter les choses.

Lorsque le journaliste a de nouveau demandé au roi si des terres jordaniennes seraient allouées pour accueillir les Gazaouis, celui-ci a répondu qu’il devait penser en priorité à l’intérêt de son pays. Il a ajouté que le président étatsunien appréciait la décision jordanienne d’accueillir les 2 000 enfants. Cette dernière proposition s’est avérée bien pratique pour permettre au souverain jordanien de ne pas se prononcer sur des plans futurs ni de consentir au projet des États-Unis.

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Layla Hazaineh

Étudiante palestinienne en master de droits humains et action humanitaire à Sciences Po Paris

Hatem Alhmoud

Chercheur jordanien

 

 

 

Source : Orientxxi.info  

 

 

 

 

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