– Il aborde peut-être le défi le plus ambitieux – et le plus incertain – de sa carrière. A 83 ans, Alassane Ouattara entend marquer son quatrième mandat avec un projet qu’il porte depuis plusieurs années : la création de l’éco, une monnaie commune aux douze Etats membres de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).
Annoncée depuis le début des années 2000 et repoussée à plusieurs reprises, la mise en oeuvre de cette union monétaire, souvent présentée comme l’étape ultime de l’intégration régionale, stagne. Officiellement, son lancement est prévu pour 2027, mais peu d’observateurs y croient encore.
Face à l’inertie, le président ivoirien entend relancer les discussions entre pairs ouest-africains pour sortir le dossier de l’impasse. « Ce projet de monnaie unique est un vieux rêve qui habite Alassane Ouattara depuis son passage à la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest », confie un de ses ministres.
Vive polémique au sein de la Cedeao
Derrière l’enjeu monétaire, se joue une bataille d’image et d’héritage. L’ancien du FMI veut laisser son empreinte sur l’histoire du continent : être celui qui aura su rallier douze Etats autour d’un même instrument économique et politique. L’octogénaire, perçu comme le plus fidèle allié de Paris en Afrique de l’Ouest, espère également tourner la page du franc CFA en s’affranchissant, cette fois, du dernier symbole colonial.
Mais jusqu’ici, le chef de l’État s’est heurté à un mur. En décembre 2019, lors de la visite d’Emmanuel Macron à Abidjan, Alassane Ouattara annonce la fin du franc CFA dans les huit pays de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et son remplacement par l’éco.
Paris s’engage ainsi à retirer ses représentants des instances de gouvernance de la BCEAO et de mettre fin à l’obligation pour celle-ci de déposer 50 % de ses réserves de change auprès du Trésor français. Ouattara pense alors réaliser un coup diplomatique et reprendre l’initiative sur la scène ouest-africaine.
L’effet escompté sera tout autre : son annonce provoque une vive polémique au sein de la Cedeao. Les pays non francophones, menés par le Nigeria, dénoncent une initiative unilatérale. Le président nigérian de l’époque, Muhammadu Buhari, exprime publiquement, sur le réseau social X, son « malaise face à la volonté de la zone Uemoa de s’approprier l’éco pour remplacer le franc CFA avant les autres Etats membres de la Cedeao ».
Des intérêts parfois divergents
Son successeur depuis 2023, Bola Tinubu, qui a également présidé la Cedeao entre 2024 et 2025, s’est montré plus optimiste sur le sujet. Lors d’un sommet célébrant les cinquante ans de la Cedeao, en avril, il a réaffirmé l’engagement du Nigeria envers l’intégration ouest-africaine, en mentionnant notamment « l’accélération de la réalisation d’une monnaie unique ». Sans confirmer pour autant que le Nigeria soit prêt à abandonner immédiatement sa monnaie nationale.
« Les relations internationales reposent énormément sur les relations personnelles, insiste le ministre ivoirien précédemment cité. C’est là tout l’enjeu pour Ouattara : la capacité à faire adhérer les autres à son projet. »
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com
