Election présidentielle au Cameroun : l’étrange meeting de Paul Biya, chef d’Etat « à l’infini »

Alors que le scrutin se tient dimanche 12 octobre, le président, au pouvoir depuis quarante-trois ans et candidat à un huitième mandat, est enfin apparu en public lors d’un événement à Maroua, la capitale de l’Extrême-Nord, qui lui est politiquement acquise.

Le Monde – Jusqu’au dernier moment, chacun se demandait si Paul Biya se montrerait avant l’élection présidentielle du dimanche 12 octobre, tant le chef de l’Etat camerounais se fait discret depuis un an.

Mardi, la présence, dès les premières heures de la matinée, de policiers et militaires plantés tous les cinquante mètres sur l’axe routier menant de la capitale, Yaoundé, à l’aéroport international de Nsimalen, donnait un début de réponse aux Camerounais. Ils savent interpréter ce signe depuis des décennies : cela signifie que la circulation va être bloquée – à un moment indéterminé et pour une durée variable – afin de laisser passer le convoi de leur immuable président, Paul Biya, 92 ans, dont quarante-trois passés à la tête de ce pays côtier d’Afrique centrale.

Cette mobilisation confirmait l’annonce faite la veille par les services de la présidence : le chef de l’Etat, candidat à un huitième mandat, sera bien présent à son meeting de campagne organisé à Maroua, capitale de la région de l’Extrême-Nord. Ce n’était pas garanti. Des rumeurs alarmantes sur l’état de santé du nonagénaire, voire sa disparition, courent avec insistance depuis des mois, entretenues par des déclarations maladroites de ministres qui n’en savaient probablement pas plus que les Camerounais moyens. Notamment celle appelant à une messe de prières. Paul Biya avait mis fin au suspense, des semaines plus tard, en présentant en chair et en os, au début de l’année, ses vœux au corps diplomatique.

Ses apparitions furent ensuite tellement rares qu’un ambassadeur en poste à Yaoundé peut les citer de mémoire sans se tromper : « Le 11 février, il est apparu sur un plan séquence de la télévision lors de la journée de la jeunesse ; puis en direct lors de la remise du rapport de la commission franco-camerounaise d’historiens [sur le rôle de la France lors de la période coloniale et postindépendance]. Le 20 mai, il était assis dans la tribune officielle pour assister au défilé en ce jour de fête nationale. Sur son agenda international, ces trois derniers mois, il a reçu le nonce apostolique, l’ambassadeur de France et le nouveau commandant de l’Africom [Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique]. »

« Ah, j’oubliais ! Il a été vu deux fois début octobre, à son départ et à son retour de Genève », ajoute le diplomate. Genève, lieu de villégiature favori du président camerounais depuis des années, où il n’a pas hésité à se rendre pour une « visite privée » entourée du mystère habituel, au moment même où la campagne électorale démarrait.

Un discours mollement applaudi

Mardi à Maroua, sa participation au meeting, retransmise en direct par la télévision nationale, était donc un événement en lui-même. Scruté comme le faisaient dans les années 1980, au crépuscule de l’Union soviétique, les kremlinologues tentant de deviner l’alchimie du pouvoir russe en lisant sur les visages des dignitaires réunis pour la grande parade militaire du 9 mai. A ce jeu, Djibril Cavayé Yeguié, 85 ans, président de l’Assemblée nationale depuis 1992, n’est pas apparu au meilleur de sa forme, ânonnant un discours totalement décousu et incompréhensible qui a finalement tourné court.

Paul Biya, lui, est apparu statuaire, passant en revue les troupes déployées sur le tarmac de l’aéroport, le buste raide émergeant par le toit ouvrant de son 4×4 noir entouré de gardes du corps. Puis dans son fauteuil, au côté de son épouse, Chantal Biya, sur la tribune montée dans le stade Lamido-Yaya-Daïrou.

Là, derrière un pupitre estampillé « Grandeur et espérance », il a livré d’une voix éraillée et monocorde un discours de vingt-quatre minutes – deux fois plus que lors de sa précédente campagne, en 2018, soldée par une victoire à plus de 70 % – très mollement applaudi par un auditoire souvent distrait, clairsemé par endroits, rassemblé sous le soleil de plomb de cette ville proche du Tchad et du Nigeria et qui lui est politiquement acquise, jusqu’à présent du moins. Contraste saisissant avec les images des réunions populaires enthousiastes autour d’Issa Tchiroma Bakary, présenté comme son principal challengeur.

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Source : Le Monde

 

 

 

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