Elle ne le trouve pas. Abdoulaye a quitté l’Italie pour New York, la grosse pomme, où il compte s’installer après un passage dans un chantier en France. «Pour avoir plus d’argent», dit-il au vieux barman d’origine africaine qui l’accueille et qui ressemble à Sydney Poitiers. Abdoulaye a goûté au froid, à la faim et au désespoir dans les rues enneigées de New York. Il est soutenu dans sa lente dérive par un SDF américain qui a tout perdu après l’ouragan Katarina qui a balayé la Lousiane en 2005. En Amérique, on peut perdre tout d’un seul coup ! Thierno (Ralph Amoussou), 19 ans, découvre pour la première fois l’Afrique où il est revenu assister à l’enterrement de son père. Thierno, qui parle wolof, s’y plaît, se promène dans les rues dakaroises, se déplace vers l’île de Gorée au large de Dakar. L’île de Gorée, point de départ des esclaves vers… l’Amérique. La mère de Thierno, qui revient au pays après vingt ans d’absence, est mal à l’aise, se dispute avec la famille. La déchirure est là, partir c’est mourir un peu.
Exil
A Turin, Sophie oublie déjà Abdoulaye et redécouvre l’amour en s’attachant à Vadim (Andrei Zayats), l’Ukrainien qui prépare des pizzas aux Italiens ! L’Europe orientale est aussi un réservoir de migrants. Sophie réussit donc cette nouvelle épreuve de la vie, Thierno se débrouille pas mal et Abdoulaye s’installe face à l’Atlantique ne sachant plus quoi faire. Prendre le chemin du retour ? Oui, mais pour aller où ? L’exil, dans le film de Dyana Gaye, a des visages et des mouvements. La douceur qui se dégage de Des étoiles fait oublier les autres films consacrés au sujet où la dénonciation est mêlée à l’apitoiement et à l’émotionnel. L’humain est au milieu, bien au milieu, dans le récit évoqué par Dyana Gaye. Il n’y a ni regard noir ni regard blanc. C’est plutôt la petite histoire qui est célébrée dans cette fiction, car l’exil, le départ, l’éloignement de la terre natale n’ont jamais un seul sens, une seule définition. Abdoulaye n’a pas trouvé ce qu’il cherchait en Europe, il a pris le chemin de l’Amérique.
Rêve
Thierno semble avoir eu en Afrique ce qu’il n’a pas pu avoir en Amérique. Et Sophie a trouvé dans le petit univers amical de Turin ce qu’elle n’a même pas cherché. Ces trois trajectoires, bien filmées par la caméra de Dyana Gaye, expliquent peut-être mieux que des thèses d’université la sociologie des gens qui partent, des gens qui reviennent, des gens qui rêvent. Dakar, dans le film, est un point d’ancrage, New York, une ville d’accueil, une ville rêvée. Dakar et New York sont situées sur les deux rives de l’Atlantique. C’est tellement vaste qu’on l’oublie souvent… Il y a, certes, la misère, la corruption et l’oppression en Afrique (ou ailleurs), mais on peut partir aussi pour autre chose. Cela peut relever du domaine de l’intime. Le drame du flux migratoire est qu’il est toujours vu comme un phénomène de masse, pas comme un déplacement de personnes. L’avant-première de Des étoiles, une coproduction franco-sénégalo-belge, a eu lieu au Festival de Toronto, au Canada, en septembre dernier. Dyana Gaye a fait appel à des noms connus dans le cinéma africain actuel comme Souleymane Seye N’Diaye (qui a joué dans La Pirogue, de Moussa Touré), Marième Demba Ly, Ralph Amoussou ou Maya Sansa. Dyana Gaye est surtout connue par la réalisation de courts métrages comme Une femme pour Souleymane, J’ai deux amours ou Un transport en commun.
Fayçal Métaoui
Source : El Watan le 27/12/2013{jcomments on}
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