Avec la prise de Gao et Tombouctou, deux importantes villes du Nord Mali, par les rebelles touarègues du MNLA qui cherche l’indépendance du septentrion malien, de très fortes inquiétudes se font jour en Afrique de l’Ouest et au Maghreb.
Logique, quand on sait que les troubles dans le Nord Mali risquent de voir le Sahel s’embraser. Ne dit-on pas qu’entre 1,5 et 3 millions de touaregs peuplent le Sahel. Ils seraient même beaucoup plus nombreux que cela. Rien qu’en Algérie il y aurait 3 millions de Touaregs contre 1,5 au Nord Mali, 1 million en Libye et 200.000 au Burkina Faso.Dans ce décompte, il est utile de signaler que pour ce qui concerne le Nord Mali, seules quelques localités sont majoritairement peuplées de Touaregs, comme Kidal et Tessalit. A Gao et Tombouctou, ils ne représentent qu’une minorité. Les ethnies songhaï et peules sont plus nombreuses, et les civils n’ont pas fui ces derniers jours, loin s’en faut. A Gao et Tombouctou, seule l’armée serait partie en débandade, face à l’avancée du MNLA, qui a stoppé sa progression après sa dernière prise. Tant et si bien que face à l’urgence, les dirigeants de la CEDEAO et des représentants de la Communauté internationale, sont en conclave en ce moment à Dakar, en marge de l’investiture du nouveau président sénégalais Macky Sall.
Cette réunion expresse des chefs d’Etat de la CEDEAO à laquelle participe le président de la République, Mohamed Ould Abdel Aziz, a pour objectif d’analyser la situation qui prévaut au Mali et d’échanger des points de vue sur la question. Algérien, Français et Américain, par le biais de leurs représentants, assistent au conclave en même temps que le président de la commission de l’Union Africaine et le représentant spécial du secrétaire général des Nations Unies pour l’Afrique de l’Ouest. L’armée malienne a vécu de nombreuses humiliations face à Aqmi, qui n’a été véritablement combattu que par l’armée mauritanienne. Cette dernière, avec l’aval des autorités maliennes a toujours mené des actions de poursuite ou de prévention en
territoire malien. Aujourd’hui force est de constater que la donne sécuritaire pour les Etats de la région s’annonce compliqué. Si en Afrique de l’Ouest l’alerte est sonnée dans les Etats du Niger, Burkina Faso, de la Côte d’Ivoire et du Nigéria, au Maghreb c’est aussi l’inquiétude qui prédomine. Et pour cause : en Libye c’est presque l’implosion après la mort de Kaddafi, tandis qu’en Algérie, avec la progression fulgurante de la rébellion touarègue appuyée par Aqmi et le groupe Ansar Eddine, l’insécurité à sa frontière sud donne du grain à moudre aux autorités d’Alger déjà en but au terrorisme. Quant à la Tunisie post Ben Ali, les islamistes veulent installer Khalifa dans le pays. Pour la Mauritanie qui suit attentivement les derniers développements au Nord du Mali, elle est sur les dents. Selon nos informations tirées des sources sécuritaires nationales à Nouakchott, le MNLA aurait bénéficié de l’appui de mercenaires mauritaniens et des membres de Boko Haram, une secte islamiste du Nigeria venus renforcer les rebelles au moment de la prise de Gao. Dans cette confusion ambiante, une dissidence d’Aqmi apparue il n’y a pas longtemps, sous le nom de Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et conduite par des Maliens et des Mauritaniens, aurait revendiqué sa participation à l’offensive et le contrôle d’un des deux camps militaires de Gao.
Un défi de Taille pour la CEDEAO
Mais que peut faire la CEDEAO pour pacifier le Nord Mali ? Certes que depuis le dernier sommet de l’organisation ouest africaine tenu le 28 mars dernier à Abidjan, une course contre la montre s’est engagée dans la capitale malienne où hommes religieux, hommes politiques, société civile, personnalités coutumières pour convaincre les tombeurs d’Amadou Toumani Touré de se plier aux injonctions de la CEDEAO. Une pression et un ultimatum qui ont fini par faire céder les putschistes en acceptant de rétablir l’ordre constitutionnel en vigueur auparavant. Mais pour le capitaine Amadou Haya Sanogo, il faut organiser une transition à l’issue de laquelle des élections libres, transparentes et démocratiques auxquelles aucun militaire ne participera. Le schéma de sortie de crise semble privilégier une transition conduite par la deuxième personnalité de l’Etat, M. Dioncouda Traoré, président de l’Assemblée nationale malienne. Pour les opposants au coup de force, ils veulent un retour à l’ordre constitutionnel avec ATT comme président. Des hypothèses que la junte va probablement rejeter, même si elle ne s’est pas encore prononcée sur la question.
Nous pouvons dire que le sommet de la CEDEAO risque de ne pas déboucher sur grand chose. L’option d’une intervention militaire pour stopper la rébellion touarègue ? L’affaire n’est pas si simple que ne le croît le président en exercice de la Cédéeao. A moins que l’Algérie y soit favorable. Ce qui n’est pas son option, bien que le pays a une expertise certaine des questions de sécurités dans la zone du Nord Mali et de la rébellion touarègue. Il ne faudrait surtout pas perdre de vue que l’Algérie tout comme la Mauritanie et le Maroc est un pays clé dans la la lutte contre le terrorisme et les groupes armés qui foisonnent dans la zone. Bien que le pays soit une puissance régionale incontournable, son nationalisme ombrageux porte un sérieux coup à toute coopération impliquant des puissances étrangères, notamment la France. Sinon avec un de défense de l’ordre 6 milliards de dollars chaque année, le pays de Boutéflika pourrait bien booster la CEDEAO qui voudrait défendre l’intégrité territoriale malienne.
Moussa Diop
Source : Le Quotidien de Nouakchott le 03/04/2012
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com