La décision de la Confédération africaine de football (CAF) de faire passer la Coupe d’Afrique des nations (CAN) d’un rythme biennal à quadriennal marque un tournant majeur dans l’histoire du football africain. Présentée comme une réforme nécessaire pour moderniser et valoriser la compétition, cette décision soulève pourtant de profondes interrogations. À bien des égards, elle apparaît comme une régression, tant sur le plan de l’autonomie du football africain que sur celui de la relation entre le jeu et ses véritables amoureux.
Une atteinte à l’identité du football africain
Depuis sa création, la CAN n’a jamais été une simple copie des grandes compétitions internationales. Elle avait son rythme, sa saveur, ses particularités. Organisée tous les deux ans, elle offrait au continent une visibilité régulière et permettait aux nations africaines de s’exprimer fréquemment sur la scène internationale.
Réduire cette fréquence, c’est affaiblir un symbole fort de l’identité sportive africaine. En s’alignant sur le modèle de l’Euro ou de la Coupe du monde, la CAF donne l’impression de renoncer à ce qui faisait la singularité de la CAN, comme si le football africain ne pouvait exister qu’en se conformant aux standards extérieurs.
Une décision qui pénalise les supporters
Les premières victimes de cette réforme sont sans doute les supporters africains. La CAN est bien plus qu’un tournoi : c’est un moment de rassemblement, de fierté nationale et de communion populaire.
Espacer la compétition de quatre ans, c’est priver toute une génération de fans de moments forts, réduire les occasions de rêve pour les jeunes joueurs, et casser une dynamique émotionnelle profondément ancrée dans les sociétés africaines. Le football africain vit par son public, et toute décision qui l’éloigne de lui mérite d’être sérieusement questionnée.
L’influence grandissante de l’argent et des instances internationales
Derrière les arguments officiels liés au calendrier, à la fatigue des joueurs ou à la qualité de l’organisation, se cache une réalité difficile à ignorer : le poids de l’argent et des intérêts extérieurs.
Cette réforme semble surtout répondre aux attentes des clubs européens, des diffuseurs internationaux et, indirectement, de la FIFA. En cherchant à éviter les conflits de calendrier avec les grandes ligues européennes, la CAF donne l’image d’une institution placée sous influence, prête à sacrifier ses propres priorités pour préserver des intérêts économiques qui ne sont pas africains.
Modernisation ou renoncement ?
Certains défendront cette décision au nom de la compétitivité et du prestige. Il est vrai qu’un tournoi plus rare peut gagner en valeur médiatique. Mais à quel prix ?
Le football n’est pas uniquement une industrie. En Afrique, il est un langage commun, un vecteur d’espoir et un patrimoine culturel. Le risque, en privilégiant l’attractivité financière, est de transformer la CAN en un produit formaté, déconnecté de sa base populaire.
Le passage de la CAN à un rythme de quatre ans pose une question essentielle : le football africain doit-il s’adapter au monde ou affirmer sa propre vision ?
En l’état, cette décision donne le sentiment que la CAF a choisi l’alignement plutôt que l’affirmation, l’économie plutôt que l’émotion, l’approbation extérieure plutôt que l’attachement populaire.
Or, un football qui oublie son peuple et son identité risque de perdre bien plus qu’un simple tournoi : il risque de perdre son âme.
A bon entendeur salut !
Mohamed Feily
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