Cependant, l’opposition camerounaise, et particulièrement Issa Tchiroma Bakary, peut se féliciter du résultat politique et symbolique engrangé à l’occasion de ce scrutin. Car, au-delà des chiffres officiels, elle a réussi à bousculer l’ordre établi et à ébranler les certitudes d’un pouvoir qui se croyait inamovible. C’est peut-être là la plus grande victoire, celle qui s’inscrit dans la durée, au-delà du verdict immédiat des urnes. En lieu et place de leur arrogance coutumière, les responsables du RDPC [Rassemblement démocratique du peuple camerounais], le parti au pouvoir, affichent désormais une certaine retenue. Conscients de la fragilité nouvelle du régime, ils semblent enclins à la conciliation.

La proposition de Paul Biya de nommer Issa Tchiroma Bakary au poste de Premier ministre s’inscrit dans cette logique d’apaisement. De même, sa promesse de procéder à une réforme du Code électoral traduit une reconnaissance implicite des limites du système actuel et de la nécessité de s’adapter à la nouvelle donne politique.

Cette évolution est perceptible jusque dans l’attitude des forces de sécurité. Hormis les quatre morts enregistrés hier à Douala, le pouvoir s’est gardé d’un recours excessif à la répression. Une prudence inhabituelle, révélatrice d’une fébrilité certaine.

Un sursaut citoyen

Car la véritable secousse vient des urnes. Pour la première fois depuis longtemps, les Camerounais, longtemps résignés ou désabusés, ont retrouvé le goût de la mobilisation citoyenne. Ils ont voté massivement, surveillé les urnes et tenté de contenir la fraude.

Ce sursaut civique a produit un choc au sommet de l’État : Paul Biya a dû, bon gré, mal gré, regarder en face une réalité qu’il avait toujours refusé d’admettre, à savoir celle d’un peuple de plus en plus nombreux à ne plus vouloir de lui. Et cette nouvelle dynamique, les Camerounais, dans leur ensemble, et non plus la seule opposition politique, doivent désormais s’atteler à la consolider. Cela implique de maintenir la pression en exigeant des réformes en profondeur du processus électoral.

Lire la suite