Le Pays – Ils ont créé la surprise en remportant la présidentielle de mars 2024, au Sénégal, alors même qu’ils étaient dans l’opposition, farouchement combattus par le président Macky Sall qui semblait piqué par le virus de la longévité au pouvoir. A cette époque encore récente, c’était le duo gagnant, celui qui suscitait tant d’admiration auprès des Sénégalais et de tous les partisans de la démocratie.
Ousmane Sonko et Bassirou Diomaye Faye : deux jeunes Sénégalais qui ont donné une véritable leçon politique pour ne pas dire de démocratie à toutes ces oppositions africaines qui n’arrivent pas à mettre en berne leurs ambitions personnelles et unir leurs forces pour aller à la conquête du pouvoir d’Etat. Eux, ils l’ont fait. Le premier, frappé par une condamnation judiciaire l’ayant disqualifié de la course à la magistrature suprême, a placé le second et l’a soutenu. Et en dépit des ennuis judiciaires dans lesquels ils étaient tous les deux empêtrés, ils ont battu le candidat du parti au pouvoir. Une prouesse qui a même contribué à consolider cette image de vitrine de la démocratie en Afrique de l’Ouest, dont jouit le Pays de la Teranga sur le continent. Mais tout cela était-il finalement trop beau pour être vrai? C’est la question que l’on est tenté de se poser aujourd’hui, face au bras de fer engagé entre le Président sénégalais et son Premier ministre. En effet, les tensions entre les deux hommes sont de plus en plus perceptibles. Et au cours de la semaine, celles-ci semblent avoir franchi un autre palier.
Le Premier ministre a snobé le Conseil des ministres du 12 novembre
Au cœur de la crise : l’organisation de la «Coalition Diomaye président», du nom de cette entité créée pour rassembler les soutiens à la candidature de Bassirou Diomaye Faye en 2024. Les deux hommes n’arrivent pas à s’accorder sur la personne qui doit diriger cette coalition. Le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé, dans une note publiée le 11 novembre, la démission de Aïssatou Mbodj, proche de Ousmane Sonko et dirigeante de la coalition présidentielle. En remplacement, il a nommé Aminata Touré qui est sa conseillère spéciale et coordinatrice de sa campagne électorale en 2024. La réaction du Premier ministre a été immédiate. Ousmane Sonko a, en effet, convoqué une réunion du Pastef (Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité), le parti au pouvoir qu’il dirige. Dans la foulée, le bureau politique de ce parti, dans un autre communiqué, a affirmé que le président Bassirou Diomaye Faye « n’avait pas le pouvoir de démettre» Aïssatou Mbodj, car n’étant pas président de cette coalition. Il a également rejeté la candidature de Aminata Touré.
En tout cas, le moins que l’on puisse dire, c’est que le clash est désormais ouvert au sommet de l’Etat. C’est dans ce contexte de tensions que le Premier ministre a snobé le Conseil des ministres du 12 novembre, provoquant un gros malaise au sein de l’Exécutif. Et tout cela n’augure rien de bon pour la suite de ce pouvoir. Et c’est Macky Sall et toute l’opposition sénégalaise qui peuvent se frotter les mains. Mais en vérité, on voyait venir les choses. En effet, comment pouvait-il en être autrement avec un Premier ministre qui ne manquait pas de critiquer ou d’exprimer publiquement son désaccord avec le président de la République ? Toujours est-il que le pouvoir a toujours tenté de minimiser ces couacs.
Le successeur de Macky semble décidé à ne plus servir de faire-valoir
Mais cette réaction du président Bassirou Diomaye Faye, d’habitude si calme, ne manque pas d’intriguer dans la sphère politique sénégalaise. Confronté à ce qui apparaît comme une crise d’autorité, avec un Premier ministre qui, visiblement, prend trop de place au point de lui faire de l’ombre, le président Faye se serait-il enfin décidé à reprendre la main? Et jusqu’où serait-il prêt à aller? Face à un Premier ministre qui a du poids, qui jouit d’une forte popularité et qui ne semble plus se satisfaire d’un rôle de second, Bassirou Diomaye Faye pourra-t-il trancher dans le vif, non seulement pour sa carrière politique, mais aussi pour son honneur ? Va-t-il franchir le pas en se séparant de son mentor au risque de perdre une partie de ses soutiens et de son électorat? Le président sénégalais est visiblement face à un dilemme. Mais une chose est sûre : le successeur de Macky semble décidé à ne plus servir de faire-valoir, surtout qu’il a la machine de l’Etat entre ses mains. Jusqu’où ira donc le bras de fer entre les deux têtes de l’Etat sénégalais? Les jours à venir s’annoncent déterminants et pourraient davantage nous édifier.
Source : Le Pays (Burkina Faso) – Le 13 novembre 2025
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