– L’émir Abd El-Kader (1808-1883) a eu mille vies, dont un destin national qu’Alger tente, depuis les années 1970, de porter sur grand écran. Lors d’une réunion, le 8 décembre, le président Abdelmadjid Tebboune a relancé le projet de réalisation d’un long-métrage sur l’histoire hors norme de celui qui est surnommé le « meilleur ennemi de la France ».
Une décision à la symbolique politique forte, alors que Paris et Alger traversent une période de tension sans précédent depuis l’indépendance. Le dernier épisode de cette relation conflictuelle s’est joué le 24 décembre, lorsque les parlementaires algériens ont adopté une loi visant à criminaliser la colonisation. Une décision que la France a aussi tôt qualifiée d’« initiative manifestement hostile ».
Génie politique et militaire, stratège lettré respecté par ses plus farouches adversaires, l’émir Abd El-Kader fut le chef emblématique de la résistance algérienne à la conquête française, au XIXe siècle, déjouant durant quinze années l’une des armées les plus puissantes de son temps, jusqu’à sa reddition en 1847. Il fut aussi l’homme qui, une fois exilé à Damas, a pris les armes pour sauver la vie de plusieurs milliers de chrétiens menacés par les persécutions des Druzes. Cet acte lui valut une reconnaissance mondiale, du pape Pie IX au président américain Abraham Lincoln. Son humanisme a été loué dans de longs poèmes signés Victor Hugo ou Arthur Rimbaud.
Figure intouchable
Maintes fois annoncé depuis des décennies, le tournage du film biographique pourrait débuter en 2027, selon Salim Aggar, directeur de la Fondation Emir Abdelkader, à Alger, chargé de la production du biopic. « Nous sommes actuellement en négociation finale avec un scénariste étranger de facture internationale », a-t-il expliqué au journal algérien L’Expression. Le récit devrait retracer les grandes étapes de la vie du chef religieux et militaire : le débarquement des troupes françaises en Algérie, en 1830, la résistance de 1832 à 1847, sa captivité au château royal d’Amboise, de 1848 à 1852, et son exil en Syrie jusqu’à sa mort.
M. Aggar aspire à faire de ce long-métrage une « superproduction internationale », portée par un réalisateur « qui a un poids », et par des « têtes d’affiche internationales », afin d’assurer au film un rayonnement mondial. « Un travail artistique à la hauteur d’un film de Hollywood », a précisé M. Aggar, comparable au Message, de Moustapha Akkad, biopic avec Anthony Quinn, retraçant la vie du prophète Mahomet, nommé aux Oscars en 1977. « Le but est de faire de l’image de l’émir un personnage célèbre dans le monde », a-t-il insisté.
