Frappes israéliennes sur le Hamas au Qatar : Doha confronté au lâchage de son protecteur américain

Le fait que la Maison blanche ne se soit pas opposée aux plans de l’Etat hébreu et n’ait pas formellement condamné l’opération constitue une rupture majeur du pacte liant depuis des décennies la monarchie du Golfe aux Etats-Unis.

Le Monde – Les frappes israéliennes contre Doha, mardi 9 septembre, ont plongé la population du minuscule émirat du Golfe dans un état de stupeur généralisé. Des ouvriers asiatiques aux cols blancs occidentaux en passant par les Qataris eux-mêmes, qui représentent environ 10 % des 2,5 millions d’habitants de la péninsule, tous ont été choqués par les explosions, qui ont visé des responsables du Hamas palestinien, rompant brutalement la luxueuse routine à laquelle la monarchie est habituée.

« J’ai compté jusqu’à sept déflagrations, mon corps entier s’est mis à trembler, l’espace de quelques secondes, je me suis cru à Gaza », raconte le journaliste palestinien Montaser Marai, cadre de la chaîne de télévision Al-Jazira, qui prenait un café non loin du lieu touché.

La villa détruite par les tirs israéliens se situe dans le district culturel de Katara, haut lieu de loisir, à proximité du quartier diplomatique et du lycée français Voltaire. De nombreux enfants d’expatriés, ainsi qu’une partie de la progéniture du cheikh Tamim Ben Hamad Al Thani, le souverain du Qatar, sont scolarisés dans cet établissement. « Ma fille, qui était en cours au moment de l’attaque, a eu le sentiment que le plafond de sa classe allait s’écrouler », témoigne Laurent Lambert, un universitaire français qui enseigne à Doha.

Manquement au pacte Doha-Washington

A la fin du mois de juin, des missiles avaient déjà zébré le ciel de Doha. Il s’agissait de projectiles tirés par Téhéran en direction de l’immense base d’Al-Udeid, quartier général des opérations américaines au Moyen-Orient, implantée dans le désert qatari. Mais l’opération, menée en représailles aux bombardements des sites nucléaires iraniens ordonnés par Donald Trump, avait été soigneusement chorégraphiée. La république islamique avait prévenu son voisin du Golfe plusieurs heures en amont, lui permettant d’intercepter en vol la quasi-totalité des missiles.

Rien de tel dans le cas israélien. A supposer, comme la Maison blanche le soutient, que Doha ait été informé à l’avance du raid anti-Hamas – ce que l’émirat dément, le coup de téléphone de Washington est arrivé trop tard pour que le Qatar prépare sa défense. Dans tous les cas, le fait que l’administration américaine n’ait pas cru bon de s’opposer au plan israélien et qu’elle n’ait pas explicitement condamné l’attaque constitue un manquement majeur au pacte Doha-Washington. Les efforts du président Trump, dans les heures qui ont suivi, pour signifier son mécontentement à son allié israélien, sont peu susceptibles de rassurer les Golfiens.

« Ce qui s’est passé est un désastre pour les relations entre le Qatar et les Etats-Unis, estime le politologue Andreas Krieg, familier des coulisses de la cité-Etat de la péninsule Arabique. Il n’y a peut-être pas eu de feu vert américain, mais il y a eu au moins un feu orange. »

Les Qataris peaufinent pourtant, depuis des décennies, leur posture d’allié sans faille de la première puissance mondiale. Non contents d’avoir ouvert aux entreprises américaines comme ExxonMobil ses prolifiques champs de gaz offshore, ils ont rempli sans rechigner les missions de bons offices que leur a assignées le département d’Etat. C’est à sa demande expresse que Doha a ouvert des canaux de communication avec de nombreux moutons noirs, comme le Hamas palestinien et les talibans afghans. Tout en entretenant un dialogue à peine secret avec Israël et en parlant ouvertement avec l’Iran, autre paria international.

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Source :  Le Monde

 

 

 

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