Laâyoune, vitrine du développement du Sahara occidental pour le Maroc

La ville la plus peuplée du « territoire non autonome » revendiqué par le royaume chérifien et le Front Polisario abrite administrations marocaines, grandes écoles et ouvrages futuristes. Les délégations françaises s’y succèdent depuis novembre 2024.

Le Monde – A 40 kilomètres de Dakhla, le « point kilométrique 40 », plus connu sous l’appellation « PK 40 », est stratégique à plus d’un titre. Ce rond-point d’apparence banale, où la police marocaine a établi un poste de contrôle comme il en existe beaucoup sur les axes routiers du Sahara occidental, marque le raccordement de la péninsule au continent. Cette intersection symbolise aussi les perspectives qui s’ouvrent pour ce territoire, disputé par le royaume chérifien et les indépendantistes du Front Polisario, et qualifié par l’Organisation des Nations unies de « territoire non autonome » ayant vocation à l’autodétermination.

Droit devant, la route nationale 1 qui mène à Laâyoune, la ville la plus peuplée du Sahara occidental (260 000 habitants), dont la physionomie et les infrastructures n’ont rien à envier à d’autres agglomérations de taille équivalente. Un deuxième embranchement indique la direction de Bir-Anzarane. Le parc éolien qui y est installé préfigure les ambitions marocaines dans le domaine des énergies renouvelables.

Troisième destination possible, par une voie asphaltée qui cède rapidement la place à une piste sablonneuse, le complexe portuaire Dakhla Atlantique, présenté comme le futur « hub » de l’Ouest de l’Afrique. La livraison de l’ouvrage est prévue pour la fin de 2028, huit ans après la mise en route du chantier qui a contraint l’Etat marocain – l’unique financeur de cette infrastructure estimée à 12,5 milliards de dirhams (1,2 milliard d’euros) – à approvisionner en eau et en électricité une ville éphémère, et à y construire des baraquements pour les ouvriers, qui se relaient vingt-quatre heures sur vingt-quatre sur ce site coupé du monde.

« Favoriser la coopération Sud-Sud »

En ce mois de juillet, « le taux d’avancement des travaux avoisine les 40 % », évalue Nisrine Iouzzi, la directrice de ce mégaprojet dont la zone portuaire devrait, à terme, occuper 650 hectares, et la zone logistique, 1 000 hectares. Du haut du promontoire où les visiteurs sont invités à profiter d’une vue panoramique sur le chantier, le regard se perd sur l’étendue du site de stockage des Cubipod, ces cubes de béton assemblés comme des Lego qui composent l’ossature du port, et suit la ligne droite de la jetée, qui s’étend sur 4 kilomètres depuis la plage.

« C’est un challenge technique de réaliser un port en eau profonde dans l’Atlantique, par rapport à la Méditerranée, car ici le plateau continental est très plat », explique Nisrine Iouzzi. L’autre défi, économico-politique celui-là, est de « doter les “provinces du Sud” [l’expression officielle qui recouvre les régions de Guelmim, de Laâyoune et de Dakhla] d’un port performant, catalyseur de l’économie ». Au-delà, poursuit cette spécialiste d’hydrodynamique marine, Dakhla Atlantique doit « favoriser la coopération Sud-Sud avec les pays du Sahel, en développant des corridors logistiques depuis le Tchad, le Niger, le Burkina Faso, le Mali et la Mauritanie jusqu’à Dakhla ».

A mi-parcours de la visite, alors que des ingénieurs insistent sur la nécessité de réaliser des tests de houle afin de vérifier la solidité des ouvrages, surgit un responsable administratif du chantier. Celui qui se présente comme le chef d’un village sahraoui voisin soutient que « ce grand projet est une chance pour [sa] communauté, qui pourra bénéficier ainsi de 300 emplois et de formations ». Cette prise de parole n’est probablement pas fortuite, tant les autorités tiennent à démontrer que la population sahraouie, minoritaire dans la région, récolte elle aussi les fruits de la politique de grands travaux engagée par l’Etat marocain.

Paysage terne, cité colorée

Ce discours intégrateur rejoint celui qui est véhiculé par le groupe OCP, détenu à 94 % par l’Etat marocain, propriétaire de la mine de phosphate de Boucraâ. Loin de l’Atlantique, le gisement en plein désert est un labyrinthe de chemins terreux reliant les parcelles, où les roches extraites sont transportées par camion vers une plateforme de traitement, puis acheminées jusqu’à Laâyoune par le plus long convoyeur au monde (102 kilomètres).

D’autres zones, déjà érodées par l’action des excavatrices géantes, semblent abandonnées. Ce paysage lunaire et terne tranche avec la cité minière colorée, où les mineurs, seuls ou en famille, occupent de petits appartements individuels. Phosboucraa, qui exploite la mine, compte près de 2 000 employés, parmi lesquels un nombre grandissant de salariés originaires du Sahara occidental : 4 % en 1977 ; 35 % en 2002, lorsque la mine devient une filiale d’OCP à 100 % ; 79 % en 2021, indiquent les données de l’entreprise.

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Source :  Le Monde

 

 

 

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