Une du jour – Soudan : il n’existe pas de “guerre pour rien”

Le magazine américain “The Atlantic” a consacré récemment sa couverture au conflit soudanais, en le qualifiant de “guerre pour rien”. Un point de vue que conteste l’hebdomadaire basé en Afrique du Sud “The Continent”, qui a publié en réponse un ensemble de textes dénonçant cette vision simpliste et nihiliste.

Courrier international  – L’effort de vouloir placer la guerre au Soudan au centre de l’attention était louable. Mais les termes choisis sur sa une du mois de septembre par le magazine américain The Atlantic – “La guerre pour rien” – dérangent au sein de la rédaction du média sud-africain The Continent.

“La guerre au Soudan est souvent réduite à des chiffres, des raccourcis et des étiquettes qui la font paraître à la fois trop immense et trop dérisoire pour être résolue”, écrit l’hebdomadaire basé à Johannesburg.

Le très long et documenté reportage pour The Atlantic de la journaliste américaine Anne Applebaum, notamment dans la région de la capitale Khartoum, met en avant, photos à l’appui, les conséquences dramatiques de ces affrontements qui ont déjà fait au moins 150 000 morts et déplacé environ 14 millions de personnes.

Mais son analyse du conflit a poussé The Continent à réagir. Dans son édition du 16 août, titrée “La guerre pour tout au Soudan” et illustrée par une créature aux nombreux visages, le journal diffusé sur les réseaux sociaux regrette que “les seigneurs de guerre et les civils y soient utilisés comme de simples ressorts narratifs dans un plaidoyer en faveur de l’ordre libéral mondial”.

Un dossier-débat lui permet, en réponse, de donner la plume aux premiers concernés, avec des contributions venues de journalistes, mais aussi de citoyens et d’acteurs de la société civile, afin de tenter de déchiffrer les ressorts de ce conflit. “Ce qui ressort est clair : il n’existe pas de guerre ‘pour rien’”, résume The Continent.

“Le conflit soudanais n’est d’ailleurs plus une guerre unique, mais une série de luttes fragmentées autour de presque tout : l’or, l’identité, les terres agricoles, les philosophies sociales, et bien plus encore.”

Ce conflit armé est souvent résumé par l’affrontement, depuis plus de deux ans, entre le général Abdel Fattah Al-Burhan, à la tête de l’armée, et le lieutenant général Mohamed Hamdan Daglo, dit “Hemeti”, qui a instauré un gouvernement parallèle avec ses Forces de soutien rapide (FSR).

Vision binaire

Cette vision binaire ne reflète pas la complexité de la situation, d’après le journaliste soudanais Eisa Dafallah, et notamment le rôle joué par des forces externes, avec l’intérêt des Émirats arabes unis et de l’Égypte pour la filière aurifère. “Le pays est désormais un patchwork de zones militaires, administratives et économiques qui se chevauchent, où les dynamiques locales se croisent avec les intérêts régionaux et les impératifs financiers”, estime-t-il, et il faudra mettre la pression sur ces acteurs extérieurs afin d’amener leurs alliés soudanais à la table des négociations.

Cet angle d’un conflit nihiliste, qui n’aurait aucun sens, est également critiqué par la chercheuse Mahasin Dahab. Elle indique que “cette vision simplifie à l’excès les acteurs au centre et efface les populations sur son passage”, alors que les habitants se battent, aussi, contre une redéfinition du pays selon des lignes ethniques, notamment dans la région du Darfour, à l’ouest.

“Contrairement à l’affirmation récente parue dans The Atlantic, selon laquelle les Américains, ainsi que le droit international, les organisations et les diplomates, auraient été ‘remplacés par rien’, des civils ont pris le relais pour offrir des soins, une structure et de l’espoir, tout en faisant face à leur propre deuil et à l’enjeu de leur survie”, conclut l’autrice.

 

 

 

The Continent (Johannesburg)

C’est au cœur d’un monde bouleversé par la pandémie de Covid-19 que The Continent s’est lancé, en avril 2020. Ce média original a pour ambition de réunir “les meilleurs des reportages” faits aux quatre coins du continent africain.

 

 

 

Source : Courrier international (France)

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Quitter la version mobile