Le conte : Mille facettes pour éveiller l’enfant

Sud QuotidienDepuis toujours, les hommes se rassemblent autour d’un feu, sous un arbre ou dans la cour familiale pour écouter des histoires. Le conte, transmis de bouche à oreille ou par l’écrit, fait partie des biens immatériels les plus précieux de l’humanité. Au Sénégal, en Afrique et ailleurs, il est bien plus qu’un simple moment récréatif : il est un espace d’apprentissage, de socialisation et de rêve.

Chez l’enfant, surtout dans les premières années de vie, il joue un rôle déterminant dans le développement de l’imaginaire, du langage, des émotions et de la conscience sociale.

Un univers aux mille facettes

Le conte est un monde multiforme qui s’adapte à chaque culture, chaque époque et chaque public.

Les contes, dans toute leur diversité, offrent un large éventail de formes : merveilleux, où la magie renverse l’ordre établi ; moraux, porteurs de leçons de vie ; animaliers, si ancrés dans la tradition orale africaine avec la tortue rusée, le lièvre malin ou l’hyène cupide reflétant les travers humains ; initiatiques, jalonnant les étapes clés de l’existence. Ils foisonnent de personnages marquants : héros intrépides, orphelins ingénieux, anciens sages, animaux bavards, ogres ou génies, chacun investi d’une valeur symbolique. Entre éclats de rire, frissons, étonnement, colère ou compassion, le conte explore toutes les émotions et permet à l’enfant de les apprivoiser à l’abri du danger

Au Sénégal, un griot ou une personne agée peut en une soirée passer d’un récit drôle comme « Le mariage impossible de la pintade » à un conte moral comme « L’hyène et le berger ». Cette diversité nourrit l’imaginaire et ancre l’enfant dans un univers où tout est possible.

Les fonctions essentielles pour l’éveil de la petite enfance

Éveil de l’imaginaire et créativité

Le conte ouvre la porte de mondes invisibles. Un enfant qui écoute l’histoire de la calebasse magique qui parle ou du baobab qui marche apprend à concevoir l’impossible, à inventer, à transformer le réel. Cette imagination sera plus tard un moteur pour la résolution de problèmes et l’innovation.

Développement du langage

L’enfant assimile de nouveaux mots, découvre des tournures de phrases, retient des formules rituelles (« Il était une fois… », « Et patati, et patata… »). Dans les langues locales comme le wolof, le sérère ou le pulaar, le conte préserve le vocabulaire traditionnel et les proverbes, qui sont de véritables concentrés de sagesse.

Transmission des valeurs et socialisation

Le conte n’énonce pas seulement des règles : il les met en scène. Ainsi, dans « Leuk-le-lièvre », la ruse mal orientée mène à la perte ; dans d’autres récits, l’entraide sauve des vies. L’enfant comprend que la vie sociale repose sur la coopération, le respect, l’honnêteté, mais aussi la prudence.

Structuration de la pensée

Un conte a toujours une structure : situation initiale, élément perturbateur, péripéties, résolution, morale. Cette organisation narrative aide l’enfant à ordonner ses idées, à comprendre la logique des événements et à anticiper des conséquences.

Éveil émotionnel

En suivant les aventures d’un personnage, l’enfant éprouve des émotions intenses mais sécurisées. Il peut avoir peur du lion, rire des maladresses de l’hyène, pleurer la perte d’un ami imaginaire… Ce jeu d’émotions aide à mieux identifier et exprimer ses propres sentiments.

Un outil éducatif, thérapeutique et identitaire

Les éducateurs et psychologues utilisent le conte pour aborder des thèmes sensibles. Un enfant timide peut s’identifier à un petit héros qui, malgré sa fragilité, réussit grâce à sa persévérance.

Dans les contextes africains, le conte joue aussi un rôle identitaire : il relie l’enfant à ses racines, à la mémoire des anciens, à une vision du monde où la nature, les animaux et les hommes sont intimement liés.

Par exemple, le conte sérère de « Ndiadiane Ndiaye », fondateur mythique du royaume du Waalo, n’est pas seulement une légende : il enseigne la bravoure, la justice et l’humilité.

 La place du conte dans les pratiques éducatives

Dès la petite enfance, le conte trouve sa place : en maternelle, il ouvre la séance et capte l’attention ; il devient outil d’éveil au langage et à la lecture ; il renforce les liens familiaux lorsque parents ou grands-parents en sont les conteurs ; il s’enrichit de chants, de percussions ou de mimes, stimulant motricité et écoute. Véritable passerelle entre rêve et réalité, il offre à l’enfant un espace protégé pour explorer, ressentir, comprendre et imaginer. Face à l’emprise des écrans sur la parole, préserver et transmettre les contes traditionnels relève d’une urgence culturelle.

Car comme le rappelle un proverbe peul : « Le conte n’est pas seulement pour endormir l’enfant, il est pour réveiller l’adulte en lui. »

Le conte, univers aux mille facettes, est une lumière douce mais essentielle dans le cheminement de chaque enfant vers la connaissance et l’humanité.

 

 

 

Samba Niébé BA 

 

 

 

Source : Sud Quotidien (Sénégal)

 

 

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