L’information de guerre sous contrôle au Sahel

Au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les militaires au pouvoir tentent de minorer, ou de dissimuler les pertes dans la guerre contre les terroristes.

Deutsche Welle – En prenant le pouvoir au Mali, au Burkina Faso et au Niger, les militaires avaient promis de restaurer la sécurité face aux groupes djihadistes.

Mais, au fil des ans, la situation sécuritaire s’est dégradée et les militaires peinent à endiguer la progression des djihadistes qui menacent désormais certains pays côtiers du golfe de Guinée.

En 2024, selon l’Indice mondial du terrorisme, le Sahel a été l’épicentre du terrorisme mondial avec 3 885 décès sur 7 555 au total.

Mais, ce chiffre pourrait être de plus de 10 000 morts, estime pour sa part le Centre d’études stratégiques de l’Afrique. Et le Burkina Faso reste le pays le plus touché, pour la deuxième année d’affilée, avec plus de 1 500 morts en 2024.

Les militaires au pouvoir dans le Sahel communiquent rarement sur les attaques et les pertes. Ils assurent, au contraire, reconquérir de larges pans de territoire.

« Le silence entretenu sur la question fait partie d’une stratégie globale de communication. Ils ont bâti leur légitimité sur les échecs sécuritaires des civils. Communiquer sur les pertes militaires, c’est clairement reconnaître leurs échecs. Or, tout le narratif officiel dans ce contexte où ils prolongent leur mandat, est orienté vers le succès », explique un analyste des questions sécuritaires sous le couvert de l’anonymat.
La question est très sensible et peut vous valoir des ennuis, ajoute l’expert joint par la DW.

Le chercheur Seidik Abba, spécialiste des questions sahéliennes et président du Centre international d’études et de réflexions sur le Sahel (Cires), avance une analyse similaire.

« A partir du moment où les régimes militaires qui ont pris le pouvoir, ont avancé l’argument de la dégradation sécuritaire, il est évident qu’il serait mal venu, pour eux, de communiquer de façon régulière, parce que si chaque incident fait l’objet d’une communication, cela va donner l’impression à l’opinion, que la situation sécuritaire ne s’est pas améliorée alors que c’est la raison qui a été avancée pour justifier le coup d’État au Burkina Faso, au Mali et au Niger. »

Éviter de démotiver les troupes et la population

Communiquer sur les pertes militaires, c’est clairement reconnaître leurs échecs , estime l’analyste Emery Owolabi. « Il y a un contrôle de l’information en temps de guerre. Ce manque de transparence de l’information vise aussi à éviter la démobilisation, ou la démotivation des troupes et de la population. Il ne faut pas que l’effet psychologique touche la population sur les pertes énormes. Au lieu d’unifier la population autour de son armée, ces informations pourraient diviser. »

Au Burkina Faso, le capitaine Ibrahim Traoré, a érigé ce silence en dogme : selon le chef des militaires au pouvoir à Ouagadougou, communiquer les pertes de l’armée et des civils reviendrait à faire la propagande des groupes djihadistes.

Les journalistes et les simples citoyens qui se risquent à relayer des informations gênantes s’exposent à des arrestations ou autres sanctions.

Pour Héni Nsaibia, chercheur à l’Acled, un organisme basé aux États-Unis qui collecte des données sur les conflits dans le monde, « la transparence sur les pertes civiles et militaires est quasi inexistante. L’information est strictement contrôlée par les régimes en place. Les chiffres officiels, quand ils sont publiés, sont souvent partiels et contradictoires. Dans cette région marquée par  une instabilité continue, on assiste à une véritable guerre des récits. D’un côté, les autorités militaires imposent leur version des faits. De l’autre, les groupes jihadistes, notamment le JNIM affilié à Al-Qaïda, diffusent leurs propres narrations, très travaillées. L’arrivée du groupe Wagner au Mali a renforcé cette opacité, car leurs opérations sont entourées d’un grand secret.« 

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Georges Ibrahim Tounkara

 

 

Source : Deutsche Welle (Allemagne)

 

 

 

 

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