
On aurait pu croire à une scène tirée d’un mauvais film. Mais non. C’était bien réel : le président Mohamed Ould Ghazouani, représentant d’un pays riche en ressources mais pauvre en ambition politique, face à Donald J. Trump, président américain et figure brutale d’un capitalisme sans morale, prédateur assumé, promoteur aux méthodes de bulldozer, et symbole d’un monde où la force écrase le droit.
Et que faisait Ghazouani, ce jour-là, face à cet homme ? Défendait-il les droits de son peuple ? Portait-il la voix des sans-voix, des jeunes sans avenir, des travailleurs exploités, des réfugiés oubliés ? Absolument pas. Il est venu, tel un élève récitant une leçon écrite ailleurs, vendre son pays comme un produit commercial. Une présentation creuse, froide, aseptisée. Un discours calibré pour séduire le cynisme. Un grand oral de soumission, où l’on déroule le tapis rouge aux investisseurs, sans parler de justice sociale, de souveraineté ou de dignité nationale.
Dans ce face-à-face déséquilibré, Ghazouani n’était pas un chef d’État. Il était un VRP en mission. Un courtier du désert, alignant des chiffres, vantant les gisements, exposant les permis, brandissant les cartes comme s’il vendait une galerie marchande. Et pendant ce temps, Trump écoutait, hilare, le regard gourmand, comme un fauve devant une proie offerte.
Car Trump n’est pas là pour dialoguer. Il est là pour prendre. Il ne respecte ni les peuples ni les terres : il achète, il dévore, il revend. Il cherche des pays comme la Mauritanie, fragiles, silencieux, dirigés par des hommes sans colonne vertébrale, pour y implanter ses intérêts et étendre sa logique de domination.
Et Ghazouani, au lieu de défendre les intérêts vitaux de son pays, s’est fait complice de cette logique. Il a vanté la “stabilité”, la “flexibilité”, la “docilité”. Il a oublié de parler des jeunes en errance, des agriculteurs asphyxiés, des pêcheurs exclus, des enseignants humiliés, des femmes en lutte, des minorités oubliées. Il a oublié de parler de la Mauritanie réelle.
Ce qu’il aurait dû dire
Il aurait dû affirmer un cadre clair : pas de partenariat sans réciprocité, pas d’investissement sans bénéfice réel pour la population, pas de négociation dans l’opacité. Il aurait dû dire : « Nous avons du gaz, oui. Mais il appartient d’abord au peuple mauritanien. Chaque contrat sera public, équitable, et évalué à l’aune de notre souveraineté. »
Il aurait dû parler des droits sociaux, exiger le transfert de technologies, poser la question de la fiscalité des multinationales, et surtout… il aurait dû rappeler que la dignité d’un pays ne se brade pas.
Mais il ne l’a pas fait.
Un silence honteux sur la Palestine
Et au-delà des enjeux économiques, il y avait un devoir moral. Une cause universelle : la Palestine. Une terre martyrisée, un peuple opprimé, une tragédie à ciel ouvert. Et là encore, Ghazouani a failli.
Alors qu’il aurait dû porter haut la voix de la justice, dénoncer clairement les crimes de guerre, condamner l’occupation, rappeler le droit des Palestiniens à un État souverain — il a choisi la prudence diplomatique, c’est-à-dire le silence déguisé en mots creux.
Pendant que des enfants meurent à Gaza, que des hôpitaux sont détruits, que des familles entières sont rayées de la carte, le président mauritanien s’est contenté d’un vague message de sympathie. Aucune fermeté. Aucune condamnation explicite. Rien qui ressemble à l’honneur ou au courage.
Et face à Trump, principal artisan de la légitimation du régime d’apartheid israélien, Ghazouani n’a pas haussé le ton. Il a préféré baisser les yeux, parler affaires, et éviter les sujets qui fâchent. Il a présenté la Mauritanie comme un petit pays dépendant, sans ambition géopolitique, sans colonne vertébrale morale.
Une posture indigne
Ce que Ghazouani a incarné ce jour-là, ce n’est pas l’autorité d’un président. C’est la posture d’un commis du néocolonialisme, d’un laudateur en quête d’approbation. Et cela ne fait pas seulement honte. Cela engage l’avenir de notre pays.
Un dirigeant qui ne sait pas dire non à Trump ne saura jamais dire non aux puissants intérêts qui pillent nos ressources.
Un dirigeant qui ne parle pas pour les Palestiniens ne parlera jamais avec franchise aux siens.
Un dirigeant qui sacrifie la dignité de la diplomatie sur l’autel des contrats douteux ne peut plus incarner une vision, une nation, un espoir.
La Mauritanie n’est pas un lot de blocs pétroliers. Ce peuple n’est pas un chiffre sur un graphique. Nous ne sommes pas un argument fiscal ou un slogan marketing.
Nous sommes une nation. Une mémoire. Une histoire de luttes et de dignité. Et nous méritons un président capable de nous représenter, même devant les plus puissants. Surtout devant eux.
Mais ce jour-là, la voix de la Mauritanie n’était pas présente. Elle s’était tue. Et avec elle, une partie de notre honneur diplomatique.
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LE DISCOURS QU IL AURAIT DÛ FAIRE
Monsieur Trump,
Je vous remercie pour cette rencontre. Mais je ne suis pas ici pour vendre la Mauritanie comme un simple terrain d’opportunités. Je ne suis pas venu chercher des investisseurs à n’importe quel prix, ni faire la danse du ventre devant un empire économique.
Je suis venu vous parler d’État à État. D’homme à homme. Je suis venu vous rappeler que nous sommes un peuple digne, debout, enraciné dans une histoire de résistance et de courage. Et que notre vision du partenariat n’est pas celle du pillage, mais celle de la justice.
1. Sur les ressources naturelles : un partenariat ou rien
Notre sous-sol est riche. Mais il ne nous appartient pas à nous seuls, dirigeants. Il appartient à notre peuple, aux générations futures, aux enfants des villages oubliés et des quartiers délaissés. Notre gaz, notre or, notre fer, notre poisson — tout cela n’est pas à brader.
Monsieur Trump, en Mauritanie, nous ne voulons pas d’un capitalisme prédateur qui exploite sans construire, qui extrait sans partager, qui repart sans laisser de trace. Nous ne voulons plus de contrats opaques, signés entre initiés, sans consultation, sans bénéfices réels pour les populations locales.
Ce que nous proposons, ce sont des partenariats gagnant-gagnant, encadrés par le droit, intégrant :
• Des clauses claires de transfert de technologies ;
• Des engagements fermes en matière d’emplois locaux ;
• Des normes environnementales strictes ;
• Une fiscalité juste, sans évasion ni paradis fiscaux ;
• Et surtout, une transparence totale sur chaque accord conclu.
Nous ne sommes pas un guichet. Nous sommes une nation. Et nous avons appris, dans la douleur, que les deals sans souveraineté sont des pièges.
2. Sur les jeunes : le défi d’un avenir partagé
Nous sommes le plus jeune pays d’Afrique. Et pourtant, nos jeunes fuient. Ils fuient le chômage, l’exclusion, le mépris. Ils se jettent dans la mer, vers l’Europe ou l’Amérique, non pas par goût du voyage, mais par désespoir.
Si nous voulons construire quelque chose ensemble, cela doit commencer par créer des raisons d’espérer ici, chez nous. Cela veut dire :
• Investir dans l’éducation, pas seulement dans les mines.
• Appuyer l’entrepreneuriat local, pas uniquement les multinationales.
• Valoriser les talents mauritaniens, au lieu de les exporter.
La jeunesse n’est pas une variable d’ajustement. C’est notre richesse la plus précieuse. Et nous refuserons désormais tout projet qui ne contribue pas à bâtir un avenir pour elle.
3. Sur la souveraineté : nous ne sommes pas à vendre
Monsieur Trump, nous sommes ouverts à la coopération. Mais nous ne sommes pas à vendre.
Notre stabilité ne sera pas une excuse pour justifier le silence. Notre pauvreté ne sera plus un argument pour justifier des concessions honteuses. Et notre hospitalité ne sera pas confondue avec de la soumission.
Je ne suis pas ici pour vous impressionner, ni pour quémander un accord. Je suis ici pour poser un cadre : si vous souhaitez faire affaire avec la Mauritanie, ce sera dans le respect de nos lois, de notre peuple et de notre dignité.
4. Sur la Palestine : l’obligation morale de dire la vérité
Et parce que vous avez été président des États-Unis, parce que vous avez pris des décisions lourdes de conséquences pour le Proche-Orient, je ne peux pas rester silencieux.
La Mauritanie a une position claire et constante : la Palestine est une cause juste. Elle est une lutte pour la dignité, pour le droit, pour la liberté.
Nous condamnons les massacres de civils, les bombardements de Gaza, l’occupation illégale, les colonies, l’apartheid. Nous appelons à :
• Une fin immédiate de l’agression contre les civils palestiniens ;
• La création d’un État palestinien avec Jérusalem-Est comme capitale ;
• Des sanctions contre les violations du droit international ;
• Et la reconnaissance du droit des peuples à résister à l’oppression.
Nous ne sommes pas neutres. La Mauritanie se tiendra toujours du côté des opprimés, pas des puissants. Du côté des peuples, pas des tanks
5. Sur la voix de la Mauritanie dans le monde
Trop longtemps, nos chefs d’État ont accepté de parler bas devant les puissants. Trop longtemps, nous avons négocié avec le chapeau à la main. Cette époque est révolue.
Nous voulons une diplomatie forte, alignée sur nos valeurs, pas sur vos attentes.
Nous voulons une économie souveraine, pas une zone d’extraction.
Nous voulons une coopération mutuellement respectueuse, pas une dépendance déguisée.
Si vous acceptez ce cadre, nous pouvons travailler ensemble. Si vous refusez, d’autres partenaires viendront. Le monde est vaste. Et la dignité, elle, n’est pas négociable.
Monsieur Trump, ce que vous voyez ici, ce n’est pas un président en quête de deals. C’est un chef d’État en mission de vérité. Et la vérité est simple :
La Mauritanie n’est pas à vendre. Elle est à reconstruire, avec son peuple, pour son peuple, et dans le respect de ses principes. WETOV
Sy Mamadou
(Reçu à Kassataya.com le 10 juillet 2025)
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