
– Beyoncé et Rihanna qui chantent ses louanges. Barack Obama qui l’appelle pour deviser sur la géopolitique africaine. Le pape Léon XIV qui lui adresse un message de félicitations pour ses sensationnelles réussites. Depuis fin avril, les fausses vidéos et images générées par l’intelligence artificielle à la gloire d’Ibrahim Traoré pullulent sur les réseaux sociaux. Des représentations plus ou moins bien réalisées, sur lesquelles le capitaine putschiste, au pouvoir au Burkina Faso depuis le coup d’Etat de 2022, apparaît en dirigeant courageux défendant son peuple.
En partie relayées par des comptes inauthentiques, elles cumulent parfois jusqu’à des millions de vues et suscitent des réactions souvent admiratives, à la fois en Afrique francophone, où Ibrahim Traoré a déjà une certaine notoriété, mais aussi, de manière plus inédite, en Afrique anglophone, notamment au Ghana, au Nigeria et au Kenya, et jusqu’aux Etats-Unis ou dans les Caraïbes. Le phénomène est tellement massif que plusieurs journaux britanniques, tels The Times et Financial Times, peu habitués à couvrir l’actualité burkinabée, lui ont même consacré des articles.
De fait, l’ancien étudiant en géologie de 37 ans, qui est devenu le plus jeune chef d’Etat en exercice au monde, est populaire auprès des nouvelles générations du continent : il tient un discours anti-impérialiste et dénonce volontiers le néocolonialisme, notamment celui de la France ; il défend la souveraineté de son pays, et plus largement celle de l’Afrique ; il surjoue la filiation avec Thomas Sankara, icône révolutionnaire et panafricaniste qui dirigea le Burkina Faso de 1983 jusqu’à son assassinat, en 1987. Comme lui, il est capitaine et porte béret rouge, treillis et pistolet en permanence à la ceinture.
Mais « IB », comme le surnomment ses compatriotes, incarne aussi un pouvoir autocratique qui ne tolère aucune voix dissonante. Opposants arrêtés, parfois torturés ou contraints à l’exil, presse indépendante bâillonnée, administration et médias publics au pas… En près de trois ans, le jeune officier putschiste a mis son pays, jadis réputé pour sa société civile dynamique et militante, sous cloche. Quant aux groupes djihadistes qu’il avait promis de défaire en arrivant aux affaires, ils continuent inexorablement à gagner du terrain.
Une machine à désinformer
Contesté par une frange de l’armée, le capitaine devenu président tout-puissant est en permanence sur ses gardes. Le 21 avril, le gouvernement a annoncé avoir déjoué un « grand complot en préparation » qui devait aboutir à « un assaut sur la présidence du [Burkina] Faso par un groupe de soldats recrutés par les ennemis de la nation ». En clair, une énième tentative de coup d’Etat – laquelle était cette fois « avérée », selon un officier burkinabé.
Le même jour, une campagne numérique pro-Traoré est lancée simultanément sur Facebook, X, TikTok, Instagram et YouTube. Dans la semaine qui suit, les mentions « Ibrahim Traoré » explosent sur ces cinq réseaux sociaux. La propagande de la junte, qui ne dépassait guère le niveau régional jusqu’alors, s’internationalise avec succès. « C’était une “psy-ops” [une opération psychologique] parfaitement structurée, planifiée et exécutée », analyse une source sécuritaire.
Source :
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com