
Je m’adresse ici, comme citoyen profondément attaché à la justice, à la dignité humaine et à l’avenir de la Mauritanie, pour plaider en faveur de la libération de l’ancien président Mohamed Ould Abdelaziz.
Quelles que soient les accusations portées à son encontre, il serait injuste de passer sous silence le rôle déterminant qu’il a joué dans le développement de notre pays au cours de la dernière décennie. Sous sa présidence, la Mauritanie a connu des progrès remarquables, notamment dans le domaine des infrastructures, transformant durablement le paysage national. Il s’est également employé, avec constance et ambition, à renforcer la visibilité de notre nation sur la scène régionale et internationale, redonnant à la Mauritanie une voix plus affirmée.
Cela dit, ses mandats n’ont pas été exempts de dérives graves. Deux événements, en particulier, ont profondément marqué la conscience nationale : l’opération d’enrôlement des populations, qui a privé de nombreux citoyens de leur droit fondamental à l’identité, et l’assassinat du jeune Lamine Mangane à Maghama, abattu par les forces de l’ordre lors d’une manifestation pacifique contre cet enrollement. Ces faits ont laissé des blessures durables dans la mémoire collective et ont sérieusement entamé la confiance entre l’État et une partie de la population.
Je le révèle aujourd’hui : j’ai personnellement refusé de rencontrer le président Mohamed Ould Abdelaziz. Ce geste n’était ni une provocation, ni une posture, mais un acte de principe. En août 2014, lors du sommet USA–Afrique à Washington D.C., alors qu’il était en déplacement officiel, le Président Abdelaziz avait exprimé le souhait de me rencontrer afin d’échanger sur la question de l’enrôlement des populations — une politique à laquelle j’étais farouchement opposé.
Par l’intermédiaire de son ambassadeur de l’époque – dont je tairai le nom, mais que l’on peut aisément deviner –, plusieurs sollicitations m’ont été adressées. Je les ai toutes poliment mais fermement déclinées. Mon refus n’était pas dirigé contre l’homme, mais contre une politique que ma conscience m’interdisait de cautionner, même symboliquement.
Pourtant — malgré cette opposition claire et assumée — je considère aujourd’hui qu’il est de mon devoir moral d’en appeler à sa libération.
L’ancien président est malade, et son maintien prolongé en détention dans de telles conditions va à l’encontre de l’éthique, du droit et de nos valeurs humaines et religieuses les plus fondamentales. Le respect de la dignité d’un individu, même accusé, est l’un des fondements de tout État de droit véritable.
Je n’écris pas ces lignes dans un esprit de calcul ou de révision. Je les rédige au nom de l’humanité, de la compassion et du principe selon lequel toute personne malade a droit à des soins adéquats et à une justice équitable — sans acharnement ni humiliation.
Demander sa libération, ce n’est pas renier mes convictions passées ; c’est, au contraire, les affirmer avec cohérence. Car la défense de la justice et de la dignité humaine ne peut être à géométrie variable. Ce que je défendais hier pour les exclus dont ces mauritaniens qui n’ont pu s’enrôler, je le défends aujourd’hui pour un ancien président malade : le droit à la dignité, à un accès aux soins et à un traitement équitable.
Je lance donc cet appel, avec insistance et sincérité, pour que Mohamed Ould Abdelaziz soit libéré pour raisons humanitaires, et qu’il puisse recevoir les soins médicaux appropriés, dans le respect de ses droits fondamentaux.
Par Toka Diagana
(Reçu à Kassataya.com le 26 juin 2025)
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