
– A 86 ans, l’ancien gendarme Biram Senghor refuse de déposer les armes. Le fils de Mbap Senghor, tirailleur sénégalais tombé sous les balles de l’armée coloniale française pour avoir demandé le paiement de sa solde le 1er décembre 1944 à Thiaroye, a déposé plainte mardi 24 juin contre X et contre l’Etat français pour « recel de cadavre » devant le tribunal judiciaire de Paris, selon un document consulté par Le Monde. Une démarche inédite, sept mois après la reconnaissance par la France de ce crime colonial qui a fait des dizaines de morts – trente-cinq officiellement, dix fois plus selon des historiens.
« Maintenant que la France a reconnu avoir massacré son père, M. Senghor demande le retour de son corps afin qu’il puisse l’honorer. Or, depuis 80 ans, des individus travaillent à maintenir l’opacité autour des faits et en empêchant l’accès à des documents qui permettraient de localiser les corps et de connaître le nombre de victimes », plaide Mbaye Dieng, l’avocat sénégalais de Biram Senghor, mandaté à Paris pour le représenter.
La France affirme avoir remis au Sénégal l’intégralité des archives sur le massacre dès 2012. Mais, malgré le geste mémoriel concédé par l’ancien pays colonisateur en novembre 2024, des doutes subsistent sur la détermination de Paris à faire la lumière sur cette tuerie longtemps présentée comme une mutinerie réprimée dans le sang.
« Il nous est difficile d’avoir toute confiance dans le discours officiel français, car l’Etat a menti à plusieurs reprises, poursuit Me Dieng. Dans son acte de décès, Mpab Senghor a été présenté comme un déserteur par les autorités françaises. Puis, après des années de combat de son fils Biram, l’Etat est revenu sur ce qualificatif. Pourquoi M. Senghor devrait croire que personne ne sait où se trouve la dépouille de son père ? »
Lever le mystère sur le nombre de tués
Contentieux mémoriel négligé durant des décennies, le dossier de Thiaroye s’est réimposé dans les relations entre Paris et Dakar après l’octroi, en juin 2024, de la mention « Mort pour la France » à six tirailleurs – dont Mpab Senghor – abattus dans le camp militaire au petit matin du 1er décembre 1944.
Une décision qui avait suscité l’ire d’Ousmane Sonko, le chef du gouvernement sénégalais. « Je tiens à rappeler à la France qu’elle ne pourra plus ni faire ni conter seule ce bout d’histoire tragique. Ce n’est pas à elle de fixer unilatéralement le nombre d’Africains trahis et assassinés après [qu’ils ont] contribué à la sauver, ni le type et la portée de la reconnaissance et des réparations qu’ils méritent », avait-il déclaré fin juillet sur ses réseaux sociaux.
Le climat s’était apaisé quelques mois plus tard, suite à la venue à Thiaroye du ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, aux commémorations du 80e anniversaire de la tuerie. Face au président Bassirou Diomaye Faye et à son premier ministre Ousmane Sonko qui ont fait de Thiaroye un enjeu politique et mémoriel, M. Barrot avait réitéré la reconnaissance du massacre.
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