
Le silence complice : quand l’inaction devient une trahison
Dans toute société traversée par l’injustice, le mal ne triomphe pas uniquement par la force des oppresseurs, mais surtout par le silence des témoins. Ce silence, qui se fait passer pour prudence ou neutralité, est en réalité une complicité déguisée. Il protège l’ordre établi. Il étouffe la vérité. Il trahit les victimes.
Comme le disait Martin Luther King :
« Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, c’est le silence des bons. »
Le silence qui arrange : quand l’injustice devient une rente
En Mauritanie, beaucoup se taisent parce que la situation les arrange. Ils profitent directement ou indirectement d’un système inégalitaire :
• Certains tirent bénéfice de leur appartenance ethnique au groupe dominant,
• D’autres ferment les yeux sur les exclusions linguistiques parce qu’ils ont appris à naviguer dans les couloirs du pouvoir en sacrifiant leur identité,
• Certains élites afro-mauritaniennes, elles-mêmes victimes d’un système raciste, préfèrent le confort de l’intégration individuelle au combat pour une égalité collective.
Exemple :
Combien d’enseignants, de fonctionnaires ou de cadres noirs gardent le silence sur les discriminations dans l’administration, parce qu’ils ont pu y trouver une petite place ? Combien d’intellectuels évitent de dénoncer l’exclusion des langues nationales (pulaar, soninké, wolof) pour ne pas perdre leur poste ou leur position sociale ?
Quand on se tait, on devient acteur de l’injustice
Il ne suffit pas de ne pas frapper pour être innocent. Celui qui voit un frère humilié et détourne les yeux devient, par son silence, un complice actif.
Elie Wiesel, survivant de la Shoah, écrivait :
« Le silence encourage toujours le bourreau, jamais la victime. »
Se taire, c’est prendre parti. C’est faire le choix du dominant. C’est donner à l’oppresseur la couverture dont il a besoin pour continuer.
Des exemples mauritaniens de cette complicité silencieuse
• Sur la question de l’esclavage : Combien de hauts responsables savent pertinemment que des pratiques esclavagistes perdurent dans certaines régions, mais n’en parlent jamais ? Leur silence est une forme de validation.
• Sur la question du passif humanitaire et des déportés : Pendant des années, une partie de la classe politique a évité le sujet. Ceux qui réclamaient vérité et justice ont été marginalisés, criminalisés, isolés. Le silence des autres a permis l’impunité.
• Sur l’injustice linguistique et l’arabisation forcée : Beaucoup d’élites noires ont préféré s’adapter, se taire, voire soutenir cette politique, pour ne pas perdre les faveurs du pouvoir, laissant les communautés non arabophones livrées à elles-mêmes.
La responsabilité morale des « neutres »
La neutralité, dans une situation d’oppression, est une illusion. Celui qui refuse de prendre parti pour la justice prend de fait parti pour l’injustice.
Desmond Tutu disait :
« Si vous êtes neutre dans des situations d’injustice, vous avez choisi le camp de l’oppresseur. »
En Mauritanie, ce sont parfois ceux qui se disent « modérés » ou « apolitiques » qui empêchent les ruptures nécessaires. Ils réclament la paix, mais jamais la justice. Ils veulent la stabilité, mais pas l’égalité.
Le prix du silence : l’exclusion normalisée
À force de ne pas parler, à force de ne pas s’indigner, une partie de la population afro-mauritanienne a fini par accepter l’inacceptable. Aujourd’hui, des milliers de citoyens sont comme invisibles dans leur propre pays. Ce silence collectif a permis l’installation d’un régime d’inégalité, où certains naissent avec des droits pleins et d’autres avec des droits amputés.
Exemple fort :
Des enfants noirs n’ont pas accès à un enseignement dans leur langue, et cela ne choque personne. Des veuves de soldats exécutés attendent encore justice, et les institutions dorment. Où sont les voix ? Où sont les cris ? Où sont les indignés ?
Le devoir de parler, le devoir de rompre le silence
Face à l’injustice, se taire, c’est trahir. Nous avons besoin d’un réveil moral. D’un sursaut de courage. Chacun doit se demander : que fais-je pour que cela change ?
Aimé Césaire écrivait :
« Une civilisation qui ruse avec ses principes est une civilisation moribonde. »
Nous ne pouvons plus ruser avec nos principes. L’heure est venue d’arracher le masque de la neutralité, de dénoncer ce qui doit l’être, et de choisir sans ambiguïté le camp de la dignité humaine.
Les silencieux sont coupables parce qu’ils permettent à l’injustice de prospérer. Leur confort est bâti sur la douleur des autres. Leur mutisme est un choix politique. Et l’histoire les jugera.
Que chacun mesure sa responsabilité. Que chacun sache qu’il n’est pas possible de rester debout sur une terre de mensonges sans s’enfoncer. Le combat pour la justice n’a pas besoin de héros, mais de consciences éveillées. Car le vrai courage, aujourd’hui, c’est de parler quand tout pousse à se taire. Wetov
SY Mamadou
(Reçu à Kassataya.com le 22 juin 2025)
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