
Le Soleil – À Fadiouth, village sérère à la douceur insulaire, la religion traditionnelle se conjugue au passé et au présent. Depuis la nuit des temps, elle y est fortement structurée. L’intronisation du «roi » de la mer ou « Sacuur » (le grand prêtre), un trésor humain vivant qui administre un espace qui va du nord de la Pointe Sarène, à la rivière de Thiémassas jusqu’à la Pointe de Sangomar, en est un exemple patent. Cette cérémonie organisée depuis des siècles a permis à l’île aux coquillages de vivre au rythme de ce rite étroitement attaché à leur vie depuis de nombreuses générations. Sans tourner le dos à la modernité, cette tradition ancestrale, héritage d’un passé multiculturel, organise encore la vie quotidienne des insulaires.
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Ce vendredi du mois de mai est un jour très particulier à Fadiouth. À la descente du pont, qui relie Joal à l’île aux coquillages, l’ambiance des grands jours ravit la vedette à la quiétude habituelle. La cité est en effervescence. Malgré la canicule, hommes, femmes et enfants ont déserté les maisons pour converger à la place « Nguël » de Njay-Njay. Ce jour marque l’intronisation du « Sacuur », le roi de la mer, chargé de protéger les populations des intempéries en mer et de rendre abondantes les eaux en produits halieutiques. Il est investi guide et intermédiaire entre le monde des vivants et des morts par les ancêtres et reçoit, par la grâce de « Rog Seen » (roi en sérère), les charges sacerdotales et royales qui viennent du pouvoir des « Pangols » après une nuit d’initiation.
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Depuis le décès, en 2023, de Jean-Baptiste Ngor Codou Diouf de la lignée Tiboye Demba, le trône était vacant ; un immense vide. Cette cérémonie organisée depuis plus d’un siècle permet à Fadiouth de vivre au rythme de ce rite étroitement attaché à leur vie. En dépit des mutations que subit la société, l’île aux coquillages reste attachée à ce rite, particularité du pays sérère qui remonte à plusieurs siècles.
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À Fadiouth, la protection des ressources de la mer revient à aux « Jaxaanoora » (propriétaire de la mer) et dépositaire d’un savoir ésotérique. Cette fonction remonte à la fondation du village. Les premiers occupants de Fadiouth, qui étaient des lignées « Jaxaanoora » et « Feejoor » à travers le mythe de « Kian et de Tiboy », un couple venu du Gabou vers le 10e siècle. Kian, l’homme, s’est approprié l’espace terrestre par le droit du feu et Tiboy, la femme, l’espace maritime.
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Le « Sacuur » ou roi de la mer qui est issu de cette lignée administre un espace qui va du nord de la Pointe Sarène à la rivière de Thiemassas jusqu’à la Pointe de Sangomar. Son intronisation est organisée depuis des siècles. La fonction est assurée, à tour de rôle, par la lignée « Jaxaanoora », à travers ses branches Njaré Sarr et Tiboy Demba qui accèdent à cette dignité, tandis que les Diaxeer Goran et les Tening Kodu assurent les fonctions rituelles.
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Blaise Birame Ndiaye, un des notables de la lignée Njaré Saar, explique que cette rotation a été rendue possible par Sombel Ndé Bougane, un vaillant et redouté fils de Fadiouth. « Au départ, la royauté était assurée par la lignée Njaré Saar. C’est par la suite qu’il y a eu cette alternance grâce à Sombel Ndé Bougane qui était un homme puissant, courageux et très redouté. C’est lui qui avait dit que Fadiouth ne devait plus verser d’impôts. On lui a alors tendu un piège pour le tuer mais la flèche qui l’a atteint au bas-ventre n’a pas été mortelle », renseigne Blaise Ndiaye.
Samba Oumar FALL
Source : Le Soleil (Sénégal)
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