Mali : à Bamako, la pollution du fleuve Niger atteint des niveaux critiques

En plus de la pêche et de l’agriculture, le « Djoliba » est essentiel pour l’approvisionnement en eau de la population. Mais déchets plastiques et rejets industriels toxiques souillent son cours.

Le Monde  – Le fleuve Niger, qui coule au cœur de Bamako, est une artère vitale mais abîmée. A la veille de l’ouverture, jeudi 12 juin, de la 26édition de la quinzaine de l’environnement, une alerte a été lancée par la présidente du Réseau des femmes africaines ministres et parlementaires (Refamp/Mali), Mariam Doumbia Tangara, sur sa pollution par les déchets plastiques.

Selon la dernière étude disponible, réalisée en 2021 pour le projet Cart’Eau lancé par l’ONG Join for Water, quelque 611 548 m³ d’eaux usées sont déversées quotidiennement dans le fleuve. Des déchets plastiques et des rejets industriels toxiques, visibles à l’œil nu, s’accumulent sur les berges de celui que l’on appelle aussi « Djoliba », en mandingue, alors que pêcheurs et agriculteurs dépendent de ses eaux généreuses.

Oumar Sow, un retraité installé dans le quartier de Badalabougou, proche du fleuve, se souvient d’une époque, il y a plus de dix ans, où la situation n’était pas aussi critique. « J’avais l’habitude de passer mes dimanches au bord du fleuve. C’était paisible, l’air était pur et l’eau avait une belle couleur. Aujourd’hui, à peine s’approche-t-on du fleuve qu’une odeur nauséabonde nous accueille. Ça m’attriste. Il faut sauver ce trésor qui se meurt », souligne-t-il. Depuis le pont du roi Fahd qui traverse le fleuve, on peut observer des tas d’ordures, jetées par la population, avec de lourdes conséquences sur l’écosystème marin et les riverains.

Un potentiel piscicole en forte baisse

Moussa Minta, 60 ans, qui réside à Bozo Kin près des berges et appartient à une communauté de pêcheurs, témoigne de l’urgence : « Depuis longtemps, le fleuve souffre à cause de l’activité humaine et les poissons en sont les principales victimes. Il y a dix, vingt ans, ce n’était pas comme ça. On pouvait facilement pêcher sans parcourir de longues distances mais, aujourd’hui, c’est impossible. Il faut être patient, parcourir de nombreux kilomètres pour avoir du poisson. Nous passons aussi des journées à ramasser les corps de poissons morts en état de décomposition sur les berges. »

Cette pollution du fleuve s’explique par plusieurs facteurs, selon Sidy Ba, auteur du livre Le Péril de la pollution sur le fleuve Niger (éd. L’Harmattan, 2018). « La plupart des villes traversées par le Niger, comme Bamako ou Kankan en Guinée, déversent leurs eaux usées et même des déchets solides dans le fleuve. Cette pollution réduit considérablement la vitalité de l’écosystème aquatique. Cela signifie que des espèces migrent vers des zones où la qualité de l’eau est meilleure ou meurent en raison des substances toxiques avec lesquelles elles entrent en contact », explique-t-il. Selon lui, il n’existe pas à ce jour d’étude chiffrant précisément la perte de biodiversité due à l’effet de la pollution sur le bassin.

« Quand on parle du potentiel piscicole du fleuve Niger, on estimait autrefois 7,5 tonnes de poissons par kilomètre de parcours, poursuit-il. On sait qu’au cours des dernières années, ce tonnage a fortement baissé. Les dernières enquêtes que j’ai consultées sur certains poissons du fleuve indiquent environ 3 à 3,5 tonnes par kilomètre. »

Le Niger, troisième plus long fleuve d’Afrique après le Nil et le Congo, s’étend sur 4 180 km, dont 1 700 km au Mali. En plus de la pêche et de l’agriculture, il est essentiel pour l’approvisionnement en eau potable des hommes et des bêtes, ainsi que pour la production d’électricité.

La menace des microplastiques

Le 18 juillet 2024, le comité syndical de la Société malienne de gestion de l’eau potable (Somagep) avait jugé la qualité de l’eau « impropre à la consommation », après des plaintes de consommateurs. Les responsables de la gestion de la Somagep avaient rétorqué que chaque goutte d’eau distribuée répondait aux normes internationales de qualité et de sécurité.

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Source : Le Monde – (Le 16 juin 2025)

 

 

 

 

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