
– C’est un crime « raciste » avec une « dimension terroriste », selon les mots du ministre de l’intérieur, Bruno Retailleau. Dans la soirée du samedi 31 mai, Hichem Miraoui, coiffeur tunisien âgé de 46 ans, a été tué par balles à Puget-sur-Argens (Var) par Christophe B., son voisin de 53 ans, qui a revendiqué son acte dans plusieurs vidéos publiées sur Facebook. Des messages dans lesquels il appelle « les putain de Français de mes deux, là » à se « réveiller » et à dire « stop, stop aux islamiques de mes deux ». « Sortez vos couilles, allez les chercher là où ils sont », ajoute-t-il. Christophe B. vise ainsi ceux qu’il appelle les « bicots », les « sans-papiers », les « gauchos », et demande à l’Etat, qui « n’est pas capable de nous protéger, de les renvoyer chez eux ». Le Parquet national antiterroriste a été saisi. Un fait inédit pour un homicide inspiré par des idées d’ultradroite.
Ce crime s’inscrit dans un « climat préoccupant et de plus en plus hostile envers les citoyens de confession musulmane en France », s’alarme le conseil des mosquées du Rhône dans un communiqué daté du mardi 3 juin. Un climat alimenté par des politiques « franchement irresponsables, qui oublient que le matraquage quotidien d’une partie de la population, c’est dangereux, ça a des conséquences graves, ça met les gens en danger », dénonce l’essayiste Hakim El Karoui. Ce dernier redoute que « ce que l’on craint depuis des années [soit] en train d’arriver : le passage de l’ultradroite à la violence ». Il appelle à ce que « tous les responsables politiques prennent conscience des effets de la polarisation des débats ».
Cette ambiance vécue comme hostile est également nourrie par les « propos stigmatisants tenus presque quotidiennement sur les plateaux de télévision », souligne Azzedine Gaci, imam et recteur de la mosquée de Villeurbanne (Grand Lyon).
« La parole s’est libérée »
Pour les figures de la communauté musulmane, il existe un continuum clair entre l’assassinat d’Hichem Miraoui et celui, le 25 avril, d’Aboubakar Cissé, dans une mosquée du Gard. Ce jeune Malien de 22 ans avait été lardé de plusieurs dizaines de coups de couteau par un Français de 20 ans, qui a filmé sa victime agonisante en répétant : « Je l’ai fait, (…) ton Allah de merde. »
La publication d’un rapport sur les « Frères musulmans et islamisme politique en France » et la communication l’entourant ont accentué le sentiment d’un acharnement des pouvoirs publics à l’encontre des musulmans. « A deux semaines de l’assassinat de Aboubaker Cissé, les allégations contenues dans ce rapport nous inquiètent pour notre sécurité », écrivait, le 25 mai, Kamel Kabtane, le recteur de la Grande Mosquée de Lyon, au nom du conseil des mosquées du Rhône.
Le ministre de l’intérieur concentre une grande partie des critiques. « [Bruno] Retailleau arme les esprits. Et dans son sillage, les militants les plus vindicatifs de l’extrême droite et de la droite extrême prennent les armes », commente l’humoriste Yassine Belattar, proche du chef de l’Etat, qui a posté, mardi 3 juin, sur son compte Instagram : « Faites attention les musulmans, vous avez une cible dans le dos. » « Quand un ministre de l’intérieur décivilise des gens qui cassent des vitrines, il légitime l’idée qu’il faut se défendre, poursuit-il. C’est le Puy-du-Fou appliqué à toute la société française : d’un côté, les croisés ; de l’autre, les sarrasins. Le message : “Ils viennent égorger vos fils et vos compagnes”, il faut nous défendre. »
Abdelghani Benali, imam de la mosquée Al Hashimi, à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), établit, lui aussi, un lien entre des violences qu’il estime « antimusulmanes et non racistes, comme on s’est empressé de le dire », et un climat politique « qui vise de plus en plus ouvertement les musulmans ». « La parole s’est libérée, et ça restera pour longtemps », déplore M. Benali, qui met aussi en cause Bruno Retailleau. « Un jour, le ministre de l’intérieur, chargé des cultes, se montre à notre écoute ; et le suivant, ce sont de nouvelles déclarations faites pour stigmatiser, au service de son agenda politique », regrette-t-il. « Les musulmans ne se sentent pas protégés comme les autres citoyens, dénonce encore l’imam de Saint-Ouen. Ils font face à des discriminations, à un plafond de verre, à des déclarations hostiles et aujourd’hui, logiquement, à de la violence. »
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