
Ah, l’enseignement supérieur en Mauritanie. Un sanctuaire du savoir ou une usine à illusions ? Il fut un temps où un ministre — Sidi Ould Salem, pour ne pas le nommer — avait eu un éclair de lucidité. Il avait lancé une enquête nationale sur les diplômes des professeurs, un genre de scanner académique pour filtrer le vrai du bidon, le sérieux du trafiqué. Mais voilà : comme tout ce qui commence bien dans ce pays, on n’a jamais vu la fin.
L’enquête ? Silence radio. Classée sans suite ou enfouie dans une armoire. Pourtant, ce travail aurait pu révéler l’ampleur du désastre : instituts bidons qui impriment des diplômes comme des tickets de boulangerie, fausses accréditations, écoles de commerce qui n’ont jamais vu un seul économiste, et universités qui délivrent des doctorats avec un tampon en bois et un café Touareg.
Et c’est là que surgit Didi Ould Saleck, chercheur en science politique, académicien sérieux — l’un des rares à parler haut dans un pays où les diplômes, on les suspens plus qu’on les obtient. Ce qu’il balance ? Une bombe molle, mais corrosive : « Certains ministres inscrivent dans leur CV des diplômes qui n’ont jamais existé ». Pas des erreurs de frappe, hein. Des diplômes fictifs. Des mentions inventées. Des universités fantômes.
Ould Saleck, lui, ne parle pas au hasard. Il connaît les réseaux. Il sait qu’en Mauritanie, l’autorité repose souvent plus sur l’apparat que sur l’apprentissage, plus sur le vernis du papier que sur la substance de la formation.
Et quand le chercheur parle de hauts responsables qui n’ont jamais mis les pieds dans une université, il ne caricature pas. Il décrit un système où la corruption intellectuelle précède souvent la corruption matérielle. Car tout commence là : fabriquer une légitimité sur du vent, c’est déjà voler.
L’enseignement supérieur, au lieu d’être l’ascenseur social, est devenu l’escalator à pistons. Les vrais chercheurs galèrent, pendant que les décorés de pacotille paradent en premières lignes. Et l’État, lui, continue d’accréditer les illusions, faute de nettoyage.
Alors oui, un jour, Sidi Ould Salem avait commencé une enquête. Mais peut-être a-t-il compris trop tard que, dans cette affaire, le poisson ne pourrit pas par la queue, mais par la tête.
Mohamed Ould Echriv Echriv
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