Ould Tah, une victoire reflet d’une vision Mauritanienne de l’Afrique / Par Aissata Ahmedou Tidjane Bal

L’Ouguiya n’est pas née d’un simple décret. Elle a surgi, presque comme une révélation, dans le rêve d’un pèlerin. Elle est bien plus qu’une monnaie : elle est l’incarnation d’une vision, l’affirmation d’un État, le sceau d’une souveraineté monétaire assumée. Jadis, une once d’or circulait dans les étendues sablonneuses du désert ; en 1973, elle devient monnaie unique, treize ans après l’indépendance, marquant une étape nécessaire, presque naturelle, vers l’affirmation d’un destin propre.

La Mauritanie, à la croisée des mondes arabe et subsaharien, a fait le choix de forger une économie à son image : souveraine, enracinée, mais ouverte. Une économie à la fois reflet de son identité complexe et pont entre deux univers. Entre la guerre du Sahara et les longues années de braises, les lendemains de l’indépendance furent difficiles, souvent rudes. Mais au creux de ces tempêtes, une identité profonde, originelle, a su résister. Silencieuse parfois, éclatante à d’autres moments, elle n’a jamais quitté les cœurs lucides.

La récente victoire de Mohamed Ould Tah à la présidence de la Banque Africaine de Développement (BAD) résonne comme l’accomplissement de cette vision. Elle symbolise une ambition portée depuis les premiers jours de la République : celle d’une Afrique souveraine, d’une économie émancipée, forgée à partir de ses réalités, et tournée vers la dignité de ses peuples. Cette élection n’est pas seulement celle d’un homme, mais celle d’un message adressé au continent : la Mauritanie a quelque chose à dire, et peut-être plus encore, à montrer.

Depuis ses premières années, la Mauritanie a démontré, par ses positions, une solidarité constante envers les autres États africains. Sur le dossier du Sahara occidental, après des revendications initiales, elle fit le choix audacieux de se retirer en 1979, reconnaissant le Front Polisario comme représentant légitime du peuple sahraoui. Ce retrait, salué comme un geste fort en faveur de la décolonisation, fit écho aux valeurs panafricaines que le pays n’a cessé de défendre. Elle s’est également inscrite dans la lutte contre l’apartheid, soutenant sans relâche les résolutions contre le régime sud-africain. Sur le plan sécuritaire, aux côtés du Mali et au sein du G5 Sahel, elle participe activement à la lutte contre le terrorisme et le crime transfrontalier, affirmant ainsi une volonté d’agir pour une stabilité régionale portée par les Africains eux-mêmes.

Même son retrait de la CEDEAO, en 2000, ne fut pas un repli, mais une réaffirmation de souveraineté institutionnelle, accompagnée d’une coopération étroite et lucide avec ses anciens partenaires. À travers la médiation en Libye, l’engagement au Sahel, ou ses prises de parole diplomatiques, la Mauritanie n’a cessé de répéter cette idée simple et puissante : les problèmes africains doivent trouver des solutions africaines.

Alors, pourquoi rappeler tous ces faits, politiques en apparence, pour parler d’économie ? Parce qu’il n’existe pas de vision économique sans vision politique. La posture économique de la Mauritanie, affirmée avec constance, est le miroir de sa posture politique : celle d’un continent debout, maître de ses choix, fidèle à ses peuples.

La victoire de Ould Tah s’inscrit dans cette continuité. Elle est celle d’une vision, celle d’un rêve devenu discours, d’un discours devenu action. Elle doit nourrir une dynamique nationale, renforcer chaque institution, orienter chaque décision vers le service du citoyen. Il ne suffit pas de proclamer la dignité de l’Afrique : encore faut-il la faire vivre dans le traitement réservé à nos peuples, dans l’importance donnée à la justice, dans le courage de réparer les blessures du passé.

Car cette victoire est aussi celle du Sénégal. Si la diplomatie mauritanienne s’illumine aujourd’hui, c’est aussi parce qu’elle s’appuie sur une relation stratégique, fraternelle, avec son voisin du Sud. Une relation que ni les cicatrices de 1989, ni les tensions passées n’ont réussi à rompre. Mieux encore, la coopération actuelle dans l’exploitation des ressources gazières et la lutte commune contre le crime transnational témoignent d’une maturité politique rare. Le Sénégal et la Mauritanie savent désormais que leur destin est lié, que leur sécurité et leur prospérité sont interdépendantes.

La Mauritanie a su tracer sa route, entre désert et océan, entre héritage et avenir. À elle désormais de prolonger ce souffle, d’incarner avec plus de force encore la souveraineté, la justice et la dignité qu’elle prône depuis ses origines. La victoire de Mohamed Ould Tah est une boussole : elle indique une direction. Encore faut-il marcher dans ce sens.

 

 

Aissata Ahmedou Tidjane Bal

Juriste en droit public

Spécialiste en matière de lutte contre le crime organisé.

 

 

 

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