Mauritanie – On construit le pont, mais on ne pense pas l’espace résiduel

Les récents ouvrages d’infrastructure routière construits à Nouakchott, notamment les ponts et échangeurs, s’inscrivent dans une dynamique de modernisation du réseau urbain. Cependant, l’absence d’une stratégie intégrée de gestion des espaces sous ces ouvrages transforme progressivement ces lieux en zones de pratiques informelles aux usages multiples : repos, socialisation et, malheureusement, insalubrité.

Trois phases d’appropriation spontanée sont observables : d’abord, ces espaces servent de zones de repos diurne, notamment en période de forte chaleur, en raison de leur ombrage naturel et de leur ventilation relativement meilleure. Ensuite, ils deviennent des lieux de socialisation autour du thé et du jeu de Srand, marquant une forme de convivialité populaire non encadrée.

Enfin, en l’absence de services d’hygiène de proximité, ces espaces finissent par se transformer en lieux d’aisance à ciel ouvert, reproduisant les dynamiques marginales longtemps observées dans certains marchés de la capitale.

Ce phénomène, loin d’être anecdotique, met en lumière un défaut de planification post-infrastructurelle : on construit le pont, mais on ne pense pas l’espace résiduel. Or, dans les métropoles du Sud comme du Nord, ces zones sont aujourd’hui réinvesties dans des logiques économiques et sociales innovantes : boutiques modulaires, parkings, mini-marchés, espaces culturels ou incubateurs d’activités informelles régulées.

La Communauté Urbaine de Nouakchott gagnerait à initier un programme de réaménagement de ces espaces.

Une telle approche permettrait non seulement de prévenir les dérives liées à l’occupation anarchique de ces lieux, mais également de générer des revenus pour la municipalité tout en améliorant le cadre de vie urbain.

Construire un pont, c’est relier des points. L’aménager intelligemment, c’est relier des usages. Il est temps de penser ces ouvrages non plus comme de simples objets techniques, mais comme des micro-économies potentielles, intégrées à une vision urbaine durable.

 

 

Mohamed Ould Echriv Echriv