« Le commerce, pas l’aide » : en Côte d’Ivoire, les Etats-Unis de Trump mettent en œuvre leur nouvelle doctrine

Washington vient d’annoncer des investissements records et a décidé de maintenir sa coopération en matière de défense dans ce pays d’Afrique de l’Ouest, tout en coupant son aide au développement. Une politique bien accueillie par Abidjan.

Le Monde – De l’aveu de certains invités, la réception donnée cette année à l’occasion de la fête de l’Europe, à Abidjan, était moins courue qu’à l’accoutumée. Dans la capitale économique ivoirienne, où « l’enjaillement » l’amusement est élevé au rang d’art de vivre, il manquait des habitués au sein du beau monde qui se pressait, le 15 mai, dans la bibliothèque nationale, le lieu choisi par la délégation de l’Union européenne pour cette célébration.

Plusieurs membres du gouvernement ivoirien étaient là les autorités ont même illuminé aux couleurs du vieux continent le nouveau pont de la ville pendant plusieurs jours en signe d’amitié –, les ambassadeurs européens aussi, bien sûr, mais pas leur homologue américaine, Jessica Davis Ba. « On a peut-être tendance à surinterpréter tous les signes, mais tout de même, c’est la première fois depuis des années que l’ambassadeur américain n’est pas présent à la fête de l’Europe. On s’est tous demandé s’il fallait y voir un symptôme de la fin de notre alliance », confie un diplomate présent ce soir-là.

Après avoir occupé des postes au Nigeria, au Tchad et en Ethiopie, l’ambassadrice américaine Jessica Davis Ba a été la conseillère spéciale pour l’Afrique de la vice-présidente démocrate Kamala Harris, en 2021 et 2022. Mais c’est désormais la doctrine trumpiste que cette africaniste est chargée de mettre en œuvre à Abidjan. Si, lors de la fête de l’Europe, l’ambassadrice américaine avait quitté le pays, les Etats-Unis ne se désengagent pas de la Côte d’Ivoire pour autant –, en tout cas moins que ne le craignaient les plus hauts responsables ivoiriens il y a encore quelques semaines.

« Un partenaire commercial compétent »

Troy Fitrell, haut fonctionnaire américain chargé des affaires africaines au département d’État américain, a résumé la nouvelle politique de Washington lors de son passage dans le pays, le 14 mai : « Trade, not aid » (« Le commerce, pas l’aide »), a-t-il déclaré. « Tout est en train de changer sous l’administration Trump. Nous ne considérons plus l’Afrique comme un continent qui a besoin d’aide, mais comme un partenaire commercial compétent. (…) Parce que l’aide implique un donateur et un bénéficiaire, alors que le commerce est un échange entre égaux. »

« Pas d’aide » : comme ailleurs, les programmes de Usaid ont été brutalement coupés. Alors qu’en 2024, 115 millions de dollars [101 millions d’euros] avaient été versés par l’agence américaine publique de développement en Côte d’Ivoire, des dizaines de programmes dans les domaines de l’éducation, la santé, l’aide aux réfugiés dans les deux camps situés au nord du pays se sont interrompus du jour au lendemain… sans que les autres bailleurs internationaux ne se soient engagés à combler ce déficit. Comme annoncé, le commerce, en revanche, se porte très bien. Un mouvement qui d’ailleurs avait déjà été entamé lors de la dernière année du mandat de Joe Biden. En 2024, l’aide économique au continent avait été augmentée de 40 %, tandis que l’aide militaire avait baissé de 7 %.

Lors de la visite de Troy Fitrell, des protocoles d’accord pour plusieurs investissements essentiellement dans l’industrie pétrolière et minière ont été signés pour un total de presque 7 milliards de dollars [6,1 milliards d’euros]. Les plus importants portent sur la construction d’une nouvelle raffinerie et l’exploitation de deux blocs pétroliers off-shores. Des projets dans la droite ligne du « drill, baby, drill » (« creuse, bébé, creuse ») prôné par Donald Trump et qui contentent la Côte d’Ivoire. Abidjan souhaite diversifier son économie, qui repose historiquement sur l’agriculture, en développant ses industries extractives et minières.

Une coopération militaire maintenue

« Le retrait américain est réel, et il laisse un vide dans des secteurs entiers, souligne William Assanvo, chercheur à l’Institut d’études de sécurité. Mais plus qu’à un désengagement on assiste à un recentrage sur des investissements qui doivent servir les Etats-Unis. Le commerce, mais aussi le militaire. » L’ambassadeur européen cité plus haut le confirme : « On s’est demandé si les Américains allaient brutalement plier bagage, mais ils restent très présents à Abidjan. »

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  (Abidjan (Côte d’Ivoire), envoyée spéciale) et

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

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