
Le Soleil – Décédé à 103 ans, Amadou Mahtar Mbow a laissé derrière lui un héritage immense, celui d’un homme qui, par son engagement pour l’éducation, la culture et la justice sociale, a marqué le Sénégal, l’Afrique et le monde. Premier Africain à diriger l’Unesco, il fut un bâtisseur de ponts entre tradition et modernité, porteur d’une vision d’émancipation et de solidarité.
Amadou Mahtar Mbow, disparu le 24 septembre 2024, incarne une figure majeure de l’histoire contemporaine africaine en général et du Sénégal en particulier. Né dans une famille profondément ancrée dans les valeurs de respect, d’unité et de savoir, il reçut d’abord une éducation religieuse avant de s’ouvrir aux savoirs modernes. Sa trajectoire hors du commun le mena de l’école coranique à Louga, puis à la Sorbonne où il embrassa l’histoire et la géographie tout en militant pour l’indépendance des peuples africains.
Militant engagé, il combattit aux côtés des forces françaises pendant la Seconde Guerre mondiale et sut mettre son énergie au service de la lutte contre la colonisation. De retour au Sénégal, il investit ses efforts dans l’éducation, notamment dans les régions souvent oubliées comme la Casamance, où il œuvra à la création d’écoles ancrées dans la réalité locale. Sa pédagogie conciliant tradition et modernité permit de rapprocher des mondes souvent opposés, offrant à des générations d’enfants une chance de bâtir leur avenir.
En politique, il fut ministre de l’Éducation nationale, puis de la Culture et de la Jeunesse, avant de devenir le premier Africain directeur général de l’Unesco de 1974 à 1987. À ce poste, il porta avec force l’idée d’un Nouvel ordre mondial de l’information, plaidant pour un équilibre entre le Nord et le Sud dans la représentation culturelle et intellectuelle. Il engagea aussi un combat passionné pour la restitution des biens culturels africains, estimant que cette démarche était essentielle pour restaurer la fierté et l’identité des peuples.
Amadou Mahtar Mbow fut un homme de dialogue et de consensus, convaincu que le développement durable passe par la paix et la coopération. Son héritage se retrouve dans des initiatives majeures telles que la Convention du patrimoine mondial et l’histoire générale de l’Afrique, projets qui contribuent à une meilleure reconnaissance des valeurs culturelles africaines sur la scène internationale.
À travers son parcours, de mécanicien d’aviation à intellectuel respecté mondialement, Mbow a incarné la force des Africains à transcender les défis pour bâtir des sociétés autonomes et solidaires. Son décès à 103 ans clôt une époque mais laisse une vision vivante, celle d’une Afrique fière de ses racines, tournée vers un avenir éclairé par l’éducation et la culture.
Cheikh Tidiane NDIAYE
Source : Le Soleil (Sénégal)
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