En Syrie, la psy qui répare les âmes brisées par les prisons de Bachar Al-Assad

Depuis son appartement à Damas, Najwa Harba suit une quarantaine de patients traumatisés par leur passage dans les geôles de l’ancien dictateur. Une prise en charge difficile, dans un pays où parler de santé mentale reste compliqué.

M Le Mag – Najwa Harba garde un œil sur son téléphone, toujours attentive, au cas où l’un de ses patients aurait besoin d’elle. Dans son appartement de deux pièces du quartier d’Al-Zahira, à Damas, quelques tapis et coussins au sol décorent le salon. C’est là qu’elle vit et travaille depuis son retour en Syrie, le 10 décembre 2024, deux jours après la chute de Bachar Al-Assad.

Cette psychologue de 48 ans, maquillage discret et voile noir soigneusement ajusté, accompagne celles et ceux qui viennent de sortir des geôles de l’ancien dictateur. Faute de moyens et en raison de l’éloignement géographique, ses consultations se font le plus souvent par appel vidéo. Quand l’électricité est instable ou que la connexion Internet faiblit, c’est par SMS qu’elle poursuit les échanges. Najwa Harba écoute, console et répare les âmes fracturées par l’enfer de la détention.

Diplômée en psychologie à l’université de Damas, Najwa Harba fuit son pays et le régime de Bachar Al-Assad en juin 2013, à 36 ans, pour s’exiler dans la vallée de la Bekaa, au Liban. Sans permis de travail, elle s’engage comme bénévole dans une école pour enfants réfugiés. Elle devient ensuite conseillère en santé mentale pour Médecins sans frontières, à Baalbek, où elle suit des Syriens, des Libanais et des Palestiniens. En 2021, elle choisit de se consacrer aux détenus, en particulier aux femmes, et aux familles de disparus syriens avec l’association syrienne Women Now for Development (dont le siège est à Paris).

Beaucoup ne supportent plus l’obscurité

Aujourd’hui, Najwa Harba s’occupe d’une quarantaine de patients, dont six femmes. Elle raconte les séquelles laissées par la prison, la torture et la peur : certains ne dorment plus, ne sortent plus. Beaucoup ne supportent plus l’obscurité, souvenir des cellules d’isolement où ils pouvaient passer « jusqu’à vingt jours sans lumière ».

Elle évoque le cas d’une femme passée par la branche 251 des services de renseignement de Bachar Al-Assad, chargée de la surveillance de la population et connue pour ses méthodes de torture. « Ses crises d’angoisse et ses pensées suicidaires l’empêchent d’entrer en contact avec ses jeunes enfants, aujourd’hui pris en charge par sa mère et sa sœur », confie la psychologue.

Elle encourage aussi ses patients à partager leurs traumatismes et anime à distance des thérapies de groupe pour les femmes. « Elles s’ouvrent plus facilement lorsqu’elles voient et ressentent la douleur des autres et se reconnaissent dans les récits de chacune », observe-t-elle.

Les cicatrices de l’exil et du conflit

En Syrie, parler de santé mentale reste un tabou. Najwa Harba doit faire face à beaucoup de préjugés vis-à-vis de la psychologie. Certains préfèrent se tourner vers des cheikhs qui réalisent des séances d’exorcisme pour chasser les djinns, des êtres surnaturels qui perturberaient l’esprit. Dans ce contexte, « la présence physique de Najwa en Syrie est extrêmement précieuse, indique Shaimaa Al-Hazwani, coordinatrice du département de protection de Women Now for Development. Car il y a très peu de professionnels qualifiés et formés pour accompagner ces populations ».

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Source : M Le Mag

 

 

 

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