Courrier expat – Pour visiter la Finlande, la journaliste Molly Young n’a pas choisi le meilleur moment de l’année. Dans un reportage publié par le New York Times, elle explique qu’au lieu d’attendre l’été elle s’est envolée pour Helsinki en février, alors que le pays est plongé vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans la pénombre hivernale. De quoi vérifier la réalité de l’état de “bonheur” qui, selon le World Happiness Report publié chaque année par les Nations unies, caractériserait les Finlandais. “Le pays le plus heureux du monde allait-il se montrer aussi joyeux dans ses moments les plus sombres ?”

En fait, dans les rues d’Helsinki recouvertes de neige et de boue, alors que l’hiver finlandais avait fait disparaître “toutes les couleurs”, Molly Young n’a pas tardé à déprimer.

“La Finlande est un pays où les enfants jouent dans l’obscurité”, a écrit le romancier Jukka Viikilä. C’est ce qu’a pu vérifier la journaliste américaine. “En raison de la situation géographique du pays, les enfants finlandais jouent en effet souvent dans le noir. Et pour ne pas risquer d’être renversés dans la rue, ils accrochent à leur manteau des réflecteurs appelés heijastin, qui existent sous toutes les formes : citrons, caniches, cygnes, hérissons ou ballons de foot. Les adultes en portent aussi.”

Un classement surprenant

Le classement proposé par le World Happiness Report repose en fait sur une seule question, explique la journaliste : “Imaginez une échelle dont les barreaux sont numérotés de 0 en bas à 10 en haut. Le haut de l’échelle représente la meilleure vie possible pour vous et le bas, la pire. Sur quel échelon vous sentez-vous personnellement en ce moment ?”

Chaque année, des représentants de l’institut de sondage Gallup contactent un millier de personnes dans chaque pays “et leur demandent d’indiquer leur position sur cette échelle”. Ils combinent ensuite ces réponses avec celles recueillies les deux années précédentes afin de constituer un échantillon d’environ 3 000 personnes.

Comment expliquer certains résultats relevés dans l’édition 2025 du rapport ? “Auriez-vous soupçonné, par exemple, que l’Italie (40e) est moins heureuse que le Salvador (37e) ? que l’Arabie saoudite (32e) est plus heureuse que la France (33e) ? qu’Israël figure dans le Top 10 ? Et que le Bhoutan, le pays dont l’‘indice de bonheur national brut’ (BNB) a donné lieu au rapport, reste absent du classement depuis 2019, année il était classé à la 95e place ?”

Si les pays nordiques dominent systématiquement le classement, “avec leur espérance de vie record, leur fiscalité fortement redistributive et leur faible niveau de corruption”, c’est sans doute parce que le rapport des Nations unies mesure en réalité ce qu’on pourrait appeler le “contentement”, qui résulte surtout de la bonne santé, d’un revenu suffisant, de la cohésion de la société et d’un sentiment de sécurité.

Quant au bonheur, malgré des milliers d’années de recherche, “personne – de Confucius à Aristote, en passant par [le philosophe] Jeremy Bentham, [l’économiste] Richard Easterlin et [l’animatrice de télé] Oprah Winfrey – n’est jamais parvenu à s’accorder sur ce qu’il est exactement”, rappelle Molly Young.