Mauritanie – Quand Hacen Lebat et Noureddine s’agitent, l’absurde fait echo

Il y a des moments où les réseaux sociaux deviennent de véritables théâtres de l’absurde.

Récemment, une scène anodine a suffi pour réveiller les réflexes chauvins de certains politiciens en quête de projecteurs.

Lors de l’inauguration de travaux en Mauritanie, l’ambassadeur de France, diplômé en arabe littéral de l’Institut national des langues et civilisations orientales, a prononcé un discours en arabe classique, tandis que le ministre mauritanien de l’Habitat, lui en français.

Cela a suffi pour déclencher une avalanche de commentaires de la part de nos deux gladiateurs numériques préférés, Hacen Lebatt et Noureddine, qui se sont empressés de sortir leurs claviers pour crier à la trahison linguistique.

Hacen Lebatt toujours prompt à flatter les nationalistes arabes depuis qu’il a enfilé le costume du politicien en quête de légitimité, a écrit :

“La Mauritanie est un pays multiethnique et multiculturel, et bien sûr, elle n’est pas seule dans cette situation à l’échelle mondiale. Mais ce qui la distingue – malheureusement – c’est qu’elle est peut-être le seul pays au monde où l’on peut devenir ministre sans être capable de prononcer un seul mot dans la langue officielle de son propre pays.”

Quant à Noureddine, l’apprenti politicien qui, malgré une formation bilingue solide, semble préférer jouer au champion des puristes arabes pour des raisons purement opportunistes, a écrit :

“Parmi les paradoxes et contradictions mauritaniens, on trouve cette scène où l’ambassadeur de France prononce un discours en arabe littéraire, la tête haute, devant le président et le gouvernement à Nouakchott, tandis qu’un ministre mauritanien, dans le même contexte, s’exprime en français, la tête baissée.”

Et bien sûr, ils ont tous les deux agrémenté leurs sorties de hashtags aussi dramatiques que creux, comme si les solutions aux problèmes linguistiques se résumaient à quelques slogans tapageurs.

Des rguments simplistes – la réalité, messieurs, est plus complexe.

L’Obsession de l’Arabe comme Unique Langue Légitime

Hacen Lebatt , il faudrait peut-être sortir un peu des salons feutrés et des pages Facebook enflammées. Oui, l’arabe est la langue officielle en Mauritanie, mais cette terre est aussi le foyer de plusieurs autres langues nationales comme le poular, le soninké et le wolof, qui sont tout aussi légitimes.

Insinuer qu’un ministre est indigne de sa fonction parce qu’il le français, c’est non seulement mépriser cette diversité linguistique, mais aussi nier l’histoire même du pays.

Les racines du problème – une education sacrifiée

La réalité, c’est que la Mauritanie a sacrifié son système éducatif sur l’autel des luttes identitaires et des priorités politiques mal orientées depuis des décennies.

Comment peut-on reprocher à une génération de fonctionnaires et de responsables politiques de ne pas maîtriser parfaitement l’arabe quand, pendant des années, les politiques éducatives ont été marquées par l’incohérence et l’improvisation ?

Si Hacen et Noureddine se donnaient la peine d’étudier un peu l’histoire du pays , ils comprendraient que ce n’est pas en quelques hashtags qu’on répare des décennies de mauvaise gestion.

Quand la Réalité Dépasse la Rhétorique

Cette obsession pour la pureté linguistique n’est pas nouvelle, et elle est aussi naïve que dangereuse. Prenons l’exemple de l’Inde, où plus de 20 langues officielles coexistent dans un équilibre fragile mais fonctionnel. Ou encore le Canada, où l’anglais et le français cohabitent malgré des tensions historiques. Même des pays comme le Nigeria, avec plus de 500 langues, ont réussi à gérer cette diversité sans tomber dans les pièges du chauvinisme étroit.

La réalité, c’est qu’un État moderne doit savoir naviguer entre plusieurs univers linguistiques, et non pas se replier sur une vision monolithique et archaïque de l’identité nationale.

La réalité mauritanienne – une question de Méthode, pas de Rhétorique

Ce que notre cher Hacen Lebatt et notre fameux Noureddine semblent oublier dans leur emballement rhétorique, c’est que régler ce genre de problème demande de la méthode et de la patience, pas des sorties grandiloquentes sur les réseaux sociaux. Si vraiment l’objectif est de promouvoir l’arabe en Mauritanie, il faudrait commencer par :

• Repenser les programmes éducatifs dès le primaire,
• Créer des filières de formation pour renforcer la maîtrise de l’arabe parmi les fonctionnaires,
• Encourager le multilinguisme comme une richesse et non comme une tare,
• Développer des médias et des ressources culturelles en arabe pour renforcer son usage quotidien.

Mais pour cela, il faut des politiciens capables de réfléchir au-delà des slogans faciles et des tendances facebook , des leaders prêts à travailler pour de vraies réformes et non à surfer sur les vagues populistes pour flatter leur électorat.

Quand le vide politique fait écho au vide des Idées

Hacen Lebat et Noureddine, si vous voulez vraiment jouer les patriotes, commencez par proposer des solutions concrètes au lieu de vous enfermer dans des discours surannés et des posts Facebook stériles. Parce que la Mauritanie mérite mieux que des politiciens de circonstance, elle mérite des visionnaires capables de bâtir des ponts entre ses différentes communautés, pas des pyromanes de la rhétorique identitaire.

Alors, messieurs, la prochaine fois que vous sentez l’envie de vous indigner sur la langue utilisée par un ministre, rappelez-vous que les vrais patriotes, eux, travaillent pour l’unité de leur pays, et non pour la division.

 

 

 

Souleymane Hountou Djigo

Journaliste, blogueur

 

 

 

 

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