Le LSD est un tueur silencieux en Mauritanie : qui fermera la boîte de Pandore ?

SaharamediasDans l’obscurité d’un entrepôt, sur le site de l’ancien aéroport, un camion rempli comme d’habitude de sacs emballés, et les travailleurs se déplaçaient dans une routine silencieuse, sans que l’un d’eux savait que des yeux invisibles surveillaient sans cesse ses mouvements depuis des semaines.

Le chargement n’était pas une cargaison ordinaire mais une partie d’un réseau de trafic de la mort, que la Gendarmerie nationale s’apprêtait à saisir.

Une fois les formalités d’usage achevées, que le pointeur finissait de dresser la lettre de voiture après avoir vérifié la quantité, le chauffeur a mis le moteur en marche pour entamer son voyage avec un chargement d’une extrême dangerosité composé de médicaments contrefaits et de pilules hallucinogènes.

Seulement il y avait un imprévu, une désagréable surprise pour les marchands de la mort, car sitôt sorti de la concession, le camion a été encerclé par une unité de la gendarmerie qui était à l’affût, bloquant toutes les voies menant à l’endroit consacrant ainsi l’ouverture de la boîte de Pandore.

L’opération, qui s’est déroulée après une surveillance minutieuse des services de renseignement, a non seulement permis de découvrir cinq entrepôts, mais a également ouvert la voie à de sérieuses interrogations sur l’ampleur de la prolifération de ces substances toxiques sur le marché mauritanien.

Il est encore impossible jusqu’ici d’évaluer avec certitude la quantité parvenue dans les pharmacies, ni si celle-ci a été vendue légalement ou sous la table, mais ce qui est certain pour de nombreux Mauritaniens, c’est qu’il ne s’agit pas d’une simple contrebande de médicaments, mais de la distribution systématique d’un tueur silencieux, qui altère la santé des gens et sème gracieusement la mort.

Les entrepôts de la mort

Le chef du bureau des études et des relations publiques de l’état-major de la gendarmerie nationale, le commandant Mohamed Ould El Hafez Ould Mahmoud, a indiqué que l’opération a été menée par les forces de la région ouest de la gendarmerie nationale et a abouti à l’arrestation de 14 personnes et à la saisie de quatre entrepôts répartis entre les moughatas de Dar El Naim et d’Arafat, en plus d’un camion servant au transport de médicaments trouvé dans la cour de l’ancien aéroport.

Les investigations ont conduit à la saisie d’un cinquième entrepôt 72 heures après le début de l’opération, a-t-il ajouté, portant le nombre d’arrestations à 25.

Tous les entrepôts saisis ne répondent pas aux normes de sécurité sanitaire les plus élémentaires, ce qui accroît le risque que les substances saisies représentent pour la santé des citoyens, a déclaré l’officier supérieur de la gendarmerie.

Seulement il y a plus dangereux que ces médicaments falsifiés la découverte d’un réseau qui se livrait au trafic de pilules hallucinogènes, des substances les plus dangereuses utilisées par les toxicomanes, car ayant un impact direct sur le système nerveux et mental de l’être humain.

Une addiction mortelle

De nombreuses organisations de la société civile ont à plusieurs reprises tiré la sonnette d’alarme sur la présence de ces substances dans les quartiers populaires et les établissements d’enseignement, notant que les jeunes sont les plus vulnérables face aux trafiquants, compte tenu de la faiblesse des contrôles et de la méconnaissance des dangers de ces poisons.

Les observateurs estiment que la propagation de la criminalité dans le pays, en particulier les crimes violents ou mystérieux, est étroitement liée à la diffusion de substances psychotropes, en particulier le LSD.

Ces substances altèrent la cognition et obstruent la réalité par l’illusion, rendant les utilisateurs capables de commettre des actes dangereux et même des crimes inconscients de leurs actes ce qui constitue une menace croissante pour la paix sociale et la sécurité publique.

La directrice de l’organisation anti-drogue Nouha mint Mohamed Saleh n’a pas été surprise par les grandes quantités de pilules hallucinogènes qui ont été saisies récemment, soulignant qu’elle n’a cessé depuis des années de lancer l’alerte sur la propagation de ces substances en Mauritanie.

Mint Mohamed Salah a déjà été témoin de cas de jeunes utilisant les mêmes pilules confisquées par la Gendarmerie Nationale dans différents quartiers de la capitale.

La responsable de Noor Al Qamar précise que les pilules hallucinogènes qui se répandent en Mauritanie se divisent en deux types : les pilules traditionnelles et les drogues colorées, soulignant que certains des types récemment saisis avaient déjà fait l’objet d’une mise en garde dans des posts sur sa page Facebook.

Dans une interview accordée à Sahara 24, mint Mohamed Saleh a ajouté que les groupes qui utilisent ces substances comptent des enfants âgés de sept ans et des jeunes hommes d’une trentaine d’années.

Elle a précisé que ces pilules sont vendues dans des magasins bien connus et devant certaines écoles, ce qu’elle a qualifié de « grave danger » qui menace la société.

Lors de ses visites de terrain dans la capitale Nouakchott, elle a repéré certains points de distribution à partir desquels la vente de pilules hallucinogènes et de stupéfiants était lancée, et a pu en informer les autorités, qui sont intervenues pour fermer certains d’entre eux.

Les services de sécurité ont pu mettre la main sur les revendeurs de ces substances, notamment dans la ville de Nouadhibou, a-t-elle dit, tout en soulignant que Nouakchott reste le principal centre de circulation de ces pilules, appelant à l’intensification des efforts pour lutter contre le phénomène et freiner sa propagation parmi les jeunes.

Des crimes sans auteurs

Ce n’est pas la première fois que le gouvernement annonce la saisie et le démantèlement de réseaux de trafiquants de drogue en Mauritanie qui a une longue et complexe histoire avec ce phénomène, eu égard à sa position géographique stratégique qui en fait un point de transit privilégié pour les réseaux de contrebande entre l’Afrique et l’Europe.

Malgré l’annonce fréquente de la saisie d’énormes cargaisons de drogue en Mauritanie, ces affaires soulèvent souvent des questions quant à leur traitement officiel et au sérieux des suites sécuritaires et judiciaires.

Le directeur de l’agence de presse indépendante Al Haiba, Ould Cheikh Sidati, estime que les affaires de drogue en Mauritanie partagent certaines caractéristiques, notamment le fait qu’elles commencent souvent par des renseignements provenant de l’étranger, plutôt que par la vigilance des agences de sécurité locales.

Ould Cheikh Sidati a déclaré que ce schéma s’est répété dans plusieurs affaires très médiatisées, y compris l’affaire de l’avion de Nouadhibou et d’importantes opérations de contrebande qui ont été déjouées en 2023, la plus récente étant la récente opération de sécurité.

Dans une interview accordée à Sahara 24, Ould Cheikh Sidati a expliqué que ces affaires sont souvent amplifiées dans les médias au début, avant qu’elles ne se terminent en queue de poisson, et donc la montagne qui accouche d’une souris.

Il a noté qu’en Mauritanie, les affaires de drogue sont souvent classées sans inculpation ni procès, ce qui en fait des « crimes sans auteurs ».

La raison principale, selon lui  est une « approche officielle erronée » selon laquelle le pays n’est qu’une zone de transit pouvant bénéficier économiquement de ces opérations, en auscultant l’impact négatif sur la société à travers la propagation de la consommation de drogue chez les enfants et les jeunes.

Ould Cheikh Sidati a également souligné ce qu’il a décrit comme une « gestion suspecte » de cette question, citant les grâces présidentielles répétées dont ont bénéficié des personnes accusées dans des affaires de drogue, notamment un cas remontant à 2006 ou 2007, lorsque des informations de sécurité ont révélé l’intention des réseaux de contrebande d’établir un aéroport entre Boutilimit  et Wad Naga, une tentative avortée quand la gendarmerie avait saisi d’importantes quantités de kérosène dans la région.

 

 

Source : Saharamedias (Mauritanie)

 

 

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