Droits de douane : le mur tarifaire entre les Etats-Unis et la Chine ébranle l’Asie

La guerre commerciale lancée par Donald Trump menace la croissance et pourrait fragmenter le commerce mondial dont la région est extrêmement dépendante.

Le Monde – Un soulagement en demi-teinte. La suspension des surtaxes du président américain, Donald Trump, pour une durée de quatre-vingt-dix jours ne calme pas la tempête dans laquelle sont plongés les pays d’Asie du Sud-Est, ballottés entre la guerre commerciale que se livrent la Chine et les Etats-Unis et la menace d’une fragmentation du commerce mondial dont ils sont, sur la planète, les plus dépendants.

Quelques heures après l’escalade tarifaire entre Pékin et Washington, la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), Ngozi Okonjo-Iweala, a adressé cette mise en garde : « Une division de l’économie mondiale en deux blocs pourrait entraîner une réduction à long terme du PIB réel mondial de près de 7 %. » Avant d’ajouter : « Les effets macroéconomiques négatifs ne se limiteront pas aux Etats-Unis et à la Chine, mais s’étendront à d’autres économies, en particulier aux pays les moins avancés. »

Avec des droits de douane américains et chinois qui s’élèvent respectivement à 145 % et à 125 %, les deux plus grandes économies de la planète sont désormais séparées par un mur tarifaire. « A ce niveau, c’est sans précédent, c’est un saut dans l’inconnu », constate François Chimits, économiste au groupe de réflexion allemand Mercator Institute for China Studies. En outre, Pékin a annoncé des restrictions aux exportations portant sur sept types de terres rares. Ces restrictions, conjuguées aux taxes américaines prohibitives mises en place, risquent d’entraîner des ruptures d’approvisionnement aux Etats-Unis, avec des importateurs américains qui refusent déjà de retirer leurs marchandises en douane pour ne pas en payer la facture, mais aussi une augmentation des prix sur un certain nombre de produits qui ne peuvent pas être importés d’ailleurs.

Côté chinois, la croissance va rapidement en pâtir – la banque d’investissement Goldman Sachs a revu à la baisse, jeudi 10 avril, sa prévision à 4 % au lieu de 4,5 % pour 2025 – et les conséquences se manifesteront sur le long terme. « Les produits que la Chine exporte vers les Etats-Unis sont parmi les plus sophistiqués et les plus chers, donc ce sont ses entreprises les plus performantes qui vont être touchées, lesquelles sont vitales pour la stabilité sociale, économique et financière du pays, explique M. Chimits. A cela s’ajoutent les incertitudes sur la santé du secteur bancaire chinois sur lequel on a très peu d’informations. »

« Risque de stagnation »

L’escalade tarifaire entre Pékin et Washington emporte toute l’Asie dans sa tourmente, comme en témoigne la rechute boursière en Asie, vendredi. « Avec un risque imminent de stagnation économique aux Etats-Unis et à l’échelle mondiale, voire de récession (…), le choc pourrait s’étendre aux économies orientées vers les services, comme Singapour et Hongkong », avertit la banque Natixis dans une note publiée le 9 avril.

L’Asie du Sud-Est, cinquième zone économique mondiale avec 650 millions d’habitants, ne cache pas son inquiétude. Réunis jeudi, les ministres de l’économie des dix pays de l’Asean – l’organisation politique et économique qui regroupe ces derniers –, se sont dits « profondément préoccupés par la récente introduction de droits de douane unilatéraux par les Etats-Unis ».

La région a jusque-là bénéficié de la guerre tarifaire entre Pékin et Washington. Elle attirait les investissements de l’un dans la construction d’usines et augmentait ses exportations vers la première puissance économique mondiale. Ce qui a permis au Vietnam de doubler son excédent commercial vis-à-vis des Etats-Unis entre 2017 et 2024, pour atteindre 136,6 milliards de dollars (environ 121 milliards d’euros). « L’Asie du Sud-Est est un partenaire commercial important des Etats-Unis, note John Lee, directeur du cabinet de conseil East West Futures. C’est une zone stratégique pour les multinationales américaines de semi-conducteurs. »

Mais ce groupe de pays, dépendant des exportations, pourrait être percuté de plein fouet par un ralentissement mondial. Signe que les difficultés sont autant économiques que géopolitiques, l’Asean a annoncé la création d’une « task force géo-économique » pour faire face aux défis d’« un paysage mondial de plus en plus complexe ». « Au-delà de la stratégie de découplage vis-à-vis de la Chine, les Etats-Unis cherchent désormais à l’éloigner des pays tiers », note M. Chimits.

Importance croissante de Pékin

Cette stratégie de distanciation s’est récemment illustrée par la volonté de Donald Trump de taxer toutes les compagnies maritimes expédiant leurs marchandises aux Etats-Unis sur des navires construits en Chine ou les pressions exercées sur le Mexique afin qu’il augmente ses droits de douane sur les importations chinoises. Les surtaxes infligées ont été vécues comme une sanction de cette stratégie de contournement. « Le Vietnam est une colonie de la Chine communiste qui l’utilise pour contourner les droits de douane », s’est agacé, dimanche 6 avril, le conseiller spécial au commerce de Trump, Peter Navarro.

« Les alliés les plus proches de Washington, notamment le Japon, Taïwan et Singapour, se sont vu imposer des tarifs réciproques malgré leurs accords de libre-échange et de leurs investissements aux Etats-Unis, comme c’est le cas pour le géant taïwanais des semi-conducteurs TSMC, avance Maria Monica Wihardja, professeure à la National University de Singapour. Cela pourrait les amener à se tourner vers la Chine – principal partenaire commercial de nombreux pays – comme bouée de sauvetage économique. »

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Source : Le Monde

 

 

 

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