Le début de la désescalade diplomatique entre la France et l’Algérie

Les présidents Emmanuel Macron et Abdelmadjid Tebboune ont eu un long échange téléphonique, lundi. Ils sont convenus de « donner une nouvelle ambition à la relation » bilatérale. Cette reprise de contact renforce la probabilité d’une prochaine libération de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal.

Le Monde – La connexion entre les deux hommes avait cruellement fait défaut durant ces huit mois de crise, l’une des plus graves qu’ait connue la relation bilatérale depuis 1962. Emmanuel Macron et son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune ont rétabli le contact, lundi 31 mars, à travers une conversation téléphonique – l’occasion leur en a été donnée par la fête de l’Aïd – laissant entrevoir une éclaircie après la tempête. Les deux chefs d’Etat sont convenus de « renouer le dialogue fructueux » consacré par la déclaration d’Alger d’août 2022 lors de la visite d’Etat de M. Macron en Algérie, indique le communiqué conjoint diffusé dans la soirée par les deux présidences.

L’objectif commun affiché est de « donner une nouvelle ambition à la relation » dans un « esprit d’amitié », mais aussi dans un « souci d’efficacité et de résultat ». Le communiqué annonce au passage que le ministre français des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, se rendra à Alger le 6 avril afin de discuter avec son homologue, Ahmed Attaf, des détails pratiques de cette relance de la coopération dans les domaines sécuritaire, migratoire, mémoriel et économique. Surtout, il évoque le sort de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, condamné le 27 mars à cinq ans de prison ferme, au bénéfice duquel M. Macron espère un « geste de clémence et d’humanité » de la part d’un président Tebboune crédité de « clairvoyance ». La rumeur avait couru avec insistance ces derniers jours de l’éventualité d’une grâce de sa part, scénario qui paraît désormais plus que vraisemblable.

Cet entretien téléphonique entre les deux hommes ne suffit pas à lui seul à sceller la réconciliation après « les tensions accumulées ces derniers mois », euphémisme utilisé par le communiqué pour qualifier une secousse qui a placé les deux capitales au bord de la rupture. L’expérience a montré que la bonne relation personnelle entre les deux chefs d’Etat avait échoué à prévenir les trois crises bilatérales ayant éclaté en 2021, 2023 et 2024. La reprise du contact n’en marque pas moins un tournant solennisant la désescalade déjà perceptible depuis une semaine. « [M. Macron] est mon unique point de repère (…), mon alter ego (…), c’est avec lui que je travaille », avait déclaré le 22 mars M. Tebboune dans un geste d’apaisement annonçant l’actuelle décrue d’animosité.

« Coopération migratoire confiante »

La crise avait éclaté le 30 juillet 2024 avec la reconnaissance par M. Macron de la « souveraineté marocaine » sur le Sahara occidental, territoire disputé entre Rabat et les indépendantistes du Front Polisario soutenus par Alger. Elle s’était ensuite exacerbée au fil d’incidents enflammant les passions : arrestation à la mi-novembre 2024 à Alger de Boualem Sansal après ses propos sur les frontières algéro-marocaines ; offensive judiciaire contre un réseau d’influenceurs algériens en France proférant des menaces contre des opposants au régime d’Alger ; refus des autorités algériennes de récupérer des ressortissants algériens expulsés, etc. L’attaque au couteau de Mulhouse (un mort et six blessés) commise le 22 février par un Algérien en situation irrégulière, dont Alger avait refusé le retour à de multiples reprises, avait porté la crise à son paroxysme.

A Paris, le raidissement s’était nourri du rôle offensif joué par Bruno Retailleau, ministre de l’intérieur, au point de susciter des tensions avec son collègue du Quai d’Orsay, Jean-Noël Barrot. La « riposte graduée » annoncée par M. Retailleau, adepte d’un « rapport de force » avec l’Algérie coupable à ses yeux d’« humilier la France », était en effet jugée contre-productive par les partisans d’une approche plus diplomatique. Cette dernière se voit désormais validée au plus haut niveau de l’Etat par M. Macron, dont le long effacement dans cette crise avait permis à M. Retailleau de pousser les feux de sa méthode du « rapport de force ». La terminologie employée par le communiqué conjoint – « dialogue d’égal à égal », « relation respectueuse des intérêts de chacun » – souligne très clairement le changement de cap.

Lire la suite

 

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Quitter la version mobile