George Foreman, le pasteur qui boxait « sans haine », est mort

Double champion du monde des poids lourds, l’Américain, mort vendredi, avait 76 ans. Devenu pasteur après une lourde défaite, il a participé au combat mythique face à Mohamed Ali, en 1974, avant de réussir un retour inattendu au tournant des années 1990.

Le Monde – George Foreman était un homme de foi, un homme d’affaires et, surtout, un boxeur hors pair. Un pugiliste américain à l’uppercut dévastateur, un grand gaillard (1,92 m) réputé pour sa force surhumaine, qui lui permit de dominer les rings pendant plusieurs décennies, jusqu’au milieu des années 1990. Pour sa famille, il était également « une force du bien, un homme de discipline et de conviction », a-t-elle écrit dans le communiqué qui a annoncé son décès, à l’âge de 76 ans, à Houston (Texas), vendredi 21 mars.

La légende de « Big George » est née un jour d’octobre 1968 quand, parfait inconnu de 19 ans, il remporte la médaille d’or dans la catégorie des poids lourds aux Jeux olympiques de Mexico. Proche de la retraite, en avril 1995, il avait accepté d’ouvrir sa boîte à souvenirs pour Le Monde et de revenir sur ces débuts : « J’étais un voyou, un mauvais garçon. Je montais sur le ring pour tuer mon adversaire. La haine était dans mon corps, dans mes muscles, derrière chacun de mes coups de poing. »

Au commencement, George Foreman est donc habité par cette enfance difficile, vécue dès sa naissance, le 10 janvier 1949, dans un quartier noir défavorisé de Houston. Déscolarisé à 15 ans, il s’essaie à la maçonnerie et la menuiserie avant de trouver une première fois sa voie : « Je crois que la nature m’a fait boxeur. C’est en moi. Je suis né pour monter sur le ring. » Déjà champion national et olympique, il conquiert le titre mondial, le 22 janvier 1973, à Kingston (Jamaïque), lors d’un combat mémorable.

Pourtant tenant du titre, Joe Frazier se fait matraquer par « Big George », ne résiste pas à l’intensité de ses coups plus de deux rounds et s’écroule cinq fois au sol avant d’être déclaré perdant. Témoin de la brutalité du combat, un des gants de George Foreman gardera de ce combat la trace incrustée d’une dent de Frazier. Le succès commercial de ce rendez-vous fait les affaires du nouveau champion du monde et, déjà, les promoteurs guettent la bonne affaire : un affrontement avec Mohamed Ali – anciennement Cassius Clay – rapporterait très gros.

Contre Mohamed Ali, un combat idéologique

Ce combat mythique a lieu le 30 octobre 1974 à Kinshasa, capitale du Zaïre du dictateur Mobutu Sese Seko, qui profite de l’occasion pour promouvoir son pays. « The Rumble in the Jungle » (« La baston dans la jungle ») promet, sur les affiches, « un combat entre deux hommes noirs dans une nation noire, organisé par les Noirs et scruté par le monde entier ». Simple boxeur, peu enclin à faire de la politique, George Foreman se retrouve pris au piège de l’arc narratif que déploie son adversaire.

Mohamed Ali voit dans ce combat un moment de lutte pour l’indépendance des Noirs et contre le capitalisme, lui qui avait été déchu de son titre mondial en 1967 pour avoir refusé d’effectuer son service militaire. George Foreman est alors dépeint en « Uncle Tommy », un allié de la classe dominante blanche. On lui reproche d’avoir brandi un drapeau américain après sa victoire aux Jeux olympiques (JO) de Mexico, là où deux de ses compatriotes, les athlètes Tommie Smith et John Carlos, étaient eux exclus des JO pour avoir levé le poing ganté de noir sur le podium du 200 mètres.

George Foreman (à droite), lors de son combat face Mohamed Ali, à Kinshasa, le 30 octobre 1974.

« Ce n’était pas une forme de protestation, ça n’avait rien à voir avec de la politique, j’étais simplement un ado heureux ! », assurait George Foreman à L’Equipe, en janvier 2003. Qu’importe : Mohamed Ali, tout en excès, le décrit avant le combat comme un traître à la cause. « Je vais botter ton cul de chrétien, espèce de suceur de Blancs », lance-t-il, ordurier. Avant de surenchérir sur le terrain idéologique : « S’il gagne, nous serons des esclaves pour 300 ans encore. Si je gagne, nous sommes libres. »

Favori du public, Mohamed Ali ne l’est pas dans l’esprit des experts, qui misent davantage sur la violence et la jeunesse de George Foreman. Mais ce dernier, culotte de velours rouge aux bandes blanches et à l’élastique bleu – rappel du drapeau américain –, s’épuise à décocher des coups dans le vide, face à la vivacité de son adversaire. « Foreman est lent comme un train de marchandises. Il n’a aucun jeu de jambes. Je tournerai sans répit autour de lui et le toucherai quand je voudrai », avait prévenu Mohamed Ali. Ce dernier traîne « Big George » jusqu’au huitième round, distance qu’il n’avait encore jamais connue en combat, avant de s’imposer par K.-O.

George Foreman achèvera ce combat avec des regrets, mais aussi avec plusieurs millions de dollars en poche, qu’il saura faire fructifier. « On parle de boxe professionnelle, ça signifie qu’on fait aussi ça pour l’argent », concède-t-il à L’Equipe, en 2003, après une reconversion réussie en businessman. Le poids lourd a associé son image à de nombreuses marques qui lui ont rapporté davantage que sa carrière sur les rings.

George Foreman s’en éloigne d’ailleurs une première fois, en 1977, un soir de défaite et de révélation. « Je me voyais vraiment mourir. C’était la fin, j’en étais sûr. Lorsque, soudain, j’ai cru entendre les paroles de Dieu », racontait-il au Monde, en 1995. C’est le début de sa deuxième vie, celle de pasteur d’une église en bois de Marshall (Texas). Le boxeur ouvre également un centre d’accueil pour personnes défavorisées, prêche auprès de ses ouailles et élève ses douze enfants – dont cinq garçons, tous prénommés George.

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Source : Le Monde

 

 

 

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