
Burkina Faso, au Mali et au Niger, le président ghanéen, John Dramani Mahama, a jugé que l’Alliance des Etats du Sahel (AES) est une « réalité irrévocable » dont la « reconnaissance » est une « nécessité » pour la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). Le dirigeant du Ghana, élu en décembre 2024, a aussi plaidé pour un renforcement de la coopération économique et sécuritaire avec ces trois Etats, un temps parias dans leur voisinage.
Qu’il semble loin le temps des menaces d’intervention militaire et des sanctions ! Lors d’une tournée, du samedi 8 au lundi 10 mars, auL’évolution est notable pour la Cedeao, qui avait vu la naissance de cette union des putschistes, en septembre 2023, comme une provocation et le signe d’une rupture définitive. Depuis l’annonce du départ de ces trois pays de l’organisation régionale, fin 2023, ses membres s’étaient échinés, en vain, à les convaincre de revenir sur leur choix. Un délai de transition de six mois avait même été instauré après leur sortie officielle de la Cedeao, le 29 janvier dernier, pour leur permettre de faire marche arrière.
« Je voudrais lancer un appel aux pays de l’AES pour dire que nous sommes mieux à quinze qu’à trois », déclarait encore, le 6 mars à Abidjan, le président ivoirien, Alassane Ouattara, lors d’une conférence de presse conjointe avec John Dramani Mahama, prêt à s’envoler pour sa tournée sahélienne. Les chances de retour apparaissent toutefois minces alors que les putschistes sont redevenus fréquentables et affichent les symboles de leur union. Sitôt sortis de la Cedeao, le Burkina du capitaine Ibrahim Traoré, le Mali du général Assimi Goïta et le Niger du général Abdourahamane Tiani ont solennellement présenté à leur nation le drapeau de l’AES, son hymne, et mis en circulation le nouveau passeport de l’alliance.
Souverainisme
Les sanctions financières et l’embargo territorial décrétés par la Cedeao après les coups d’Etat perpétrés dans les trois pays entre août 2020 et juillet 2023 avaient provoqué des frictions parmi les Etats membres. Mais depuis, le front de la fermeté envers les putschistes (Bénin, Côte d’Ivoire, Ghana) s’est affaibli au profit des partisans de la reconnaissance du fait accompli, Togo en tête. A Accra, le président Mahama se montre bien plus conciliant que son prédécesseur, Nana Akuffo-Addo.
Au Sénégal, si Macky Sall n’était pas favorable à une intervention militaire au Niger – comme un temps envisagé –, son successeur, Bassirou Diomaye Faye, partage une même ligne souverainiste avec les trois militaires au pouvoir. La Cedeao l’a d’ailleurs nommé médiateur, avec l’espoir de convaincre les putschistes de réintégrer l’organisation qui siège à Abuja, au Nigeria, mais les gestes et déclarations de son administration sonnent davantage comme une légitimation. « Nous respectons le Mali et le Burkina dans [leurs] choix. Des choix que nous comprenons. Beaucoup d’erreurs ont été commises par les chefs d’Etat de la Cedeao », a ainsi déclaré le premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, en août 2024 à Bamako.
Signe supplémentaire de la nouvelle respectabilité accordée à l’AES : l’ancien ministre sénégalais et diplomate des Nations unies Abdoulaye Bathily, désigné par Bassirou Diomaye Faye comme son envoyé spécial auprès des trois régimes putschistes, a organisé un séminaire à huis clos, fin 2024 à Saly, pour « explorer les potentielles synergies » entre l’AES et la Cedeao, a révélé le 4 février le média spécialisé Africa Intelligence.
« Un nouveau logiciel de coopération régionale est en train de se mettre en place, analyse Fahiraman Rodrigue Koné, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS) de Dakar. L’Afrique de l’Ouest semble sortir d’une période de fortes polarisations pour entrer dans une phase marquée par le pragmatisme. Beaucoup de pays ouest-africains priorisent la défense de leurs intérêts économiques et sécuritaires au Sahel en renforçant leurs relations bilatérales avec l’AES. Cela donne une réalité diplomatique à l’AES, même si elle n’est pas formellement reconnue dans des instances internationales telles que l’Union africaine et les Nations unies. »
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– (Le 13 mars 2025)
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